«Les détails font la perfection, et la perfection n'est pas un détail.» Léonard de Vinci «Si tu tergiverses comme cela, ce n'est pas demain la veille que tu commenceras à écrire!» m'avait lancé l'ami B... en reprenant son tambourinement sur son clavier. - Oui! Le choix est difficile et la tâche ardue. Et je ne t'ai parlé jusqu'à présent que des éléments extérieurs qui sautent aux yeux de quelqu'un qui survolerait le paysage. J'ai omis de te parler de l'état des nombreuses fontaines publiques que la généreuse nature a essaimées en bon nombre à travers ce petit village gâté par la Divine Providence. Etaient-elles dans l'état actuel, ou étaient-elles simplement de simples sources surmontées d'une grosse pierre comme celle qui est proche d'un marabout et sur laquelle on peut apercevoir une profonde encoche pareille à la trace d'un sabot de cheval. La légende attribue cette blessure faite à la roche au passage de Sidna Ali, le gendre du Prophète (Qsssl). Y avait-il une agora ou un forum où les habitants de la circonscription pouvaient se réunir? Etaient-ils nombreux? Sur quoi pourrait-on se baser pour faire une évaluation de la densité d'une population à un moment donné de l'histoire? Le seul repère historique est l'inventaire-recensement réalisé par Hannoteau et Letourneux au lendemain de l'invasion des armées françaises. Et quand une armée coloniale passe, on peut s'imaginer le niveau des destructions: l'herbe met du temps à repousser. Ne parlons pas de la fuite éperdue des populations civiles qui veulent échapper aux massacres. Donc, les chiffres des deux scientifiques venus dans les fourgons de l'armée ne sont pas indicatifs de l'importance de la population. Je sais que depuis toujours, l'est du pays était plus peuplé que le Centre et l'Ouest et la proximité de Carthage a favorisé le développement de cette partie du pays. Mais la région, que j'ai eue toute ma vie sous les yeux, possédait, elle aussi deux bons ports que les Romains avaient appelés Rusazus et Rusuccuru. Notre village forme un parfait triangle isocèle avec ces deux localités. L'autre chose qui me gêne beaucoup, concerne l'aménagement intérieur des maisons: étaient-elles comme nous les avons trouvées avec une porte et des petites lucarnes haut perchées? Les grandes pièces avec dans un coin l'âtre qui servait aussi bien de cuisine en hiver que de cheminée servant à chauffer la maisonnée durant les hivers qui devaient être plus rudes qu'aujourd'hui. Etaient-elles divisées en deux avec une partie servant d'étable? Avaient-elles des sortes de greniers où pouvaient dormir les enfants ou qui servaient de dépôts de provisions? Les accoufis construits en torchis et souvent décorés de dessins géométriques pouvaient trôner à côté de l'âtre ou bien dehors dans un endroit à l'abri des intempéries. Ces petits silos qui pouvaient contenir de l'orge, du blé, des figues sèches conditionnées avec des feuilles de laurier rose pour empêcher le développement des larves, possédaient une ouverture par le haut que recouvrait une plaque ronde en terre et des ouvertures sur la face obturées par des bouchons en liège ou en torchis. La semoule était entreposée dans des outres en peau de mouton ingénieusement transformées en sac. Quant à l'eau potable que le cultivateur pouvait emmener avec lui au champ, une outre en peau de bique était la solution trouvée. A moins que ce ne soit la calebasse qui pouvait contenir aussi la ration de petit lait dont le frugal paysan arrosait ses amygdales pour étancher sa soif. Il faut aussi imaginer ce que pouvait être l'équipement de la cuisine: les cuillers et les louches en bois, les marmites, les tadjines et les écuelles en poterie. La literie devait se composer de nattes d'alfa ou de feuilles de doum tressées ainsi que de peaux de mouton bien fournies en laine.»