Le sort est jeté. Après avoir dirigé durant 13 longues années le RND, Ahmed Ouyahia a pris à contre-pied tout le monde en démissionnant, jeudi, de son poste de secrétaire général du parti. Même si elle était quelque peu prévisible, en raison, notamment de la crise qui couvait et qui avait entraîné, à la longue, le Parti dans une guerre fratricide qui ne veut pas dire son nom, la démission de Ouyahia a surpris plus d'un, particulièrement la classe politique qui était loin d'envisager pareille sortie de la part de celui qu'on présentait comme l'inamovible et emblématique patron du Rassemblement national démocratique. Beaucoup le considèrent même comme un présidentiable en puissance et vont jusqu'à faire de lui le successeur tout désigné de Abdelaziz Bouteflika à la tête de l'Etat. Alors est-ce un retrait stratégique pour préparer dans de bonnes conditions l'échéance présidentielle ou une mort politique comme tentent de nous le faire avaler certains? Pour ceux qui connaissent l'ancien premier ministre et le suivent pas à pas depuis qu'il s'est lancé dans la politique, Ouyahia, en renonçant à ses fonctions de secrétaire général du RND, a voulu, avant tout, sauvegarder l'unité du Parti et lui éviter de sombrer. Depuis que la direction avait décidé de donner un coup de pied dans la fourmilière pour rajeunir le Parti et le débarrasser des caciques qui avaient essayé de le prendre en otage, des voix se sont élevées et ont pris pour cible, principalement Ahmed Ouyahia devenu, subitement, personna non grata. Conduits par l'ancien ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Yahia Guidoum, les contestataires appelés communément redresseurs, avaient réclamé son départ et s'étaient jurés de le faire tomber. Entré en dissidence, lui aussi, contre Ouyahia, l'ancien président de l'APC d'Alger-Centre avait fait campagne, en se déplaçant dans certaines wilayas du pays pour élargir le mouvement de contestation et tenter de rallier à sa cause d'autres militants. Dans la lettre de démission qu'il a rendue publique, le désormais ex-leader du RND est on ne peut plus clair, en tout cas. Evoquant la désolante situation dans laquelle se trouve présentement le RND et plus précisément la campagne de dénigrement dont il est l'objet depuis plusieurs mois, Ahmed Ouyahia les qualifie de dangereuses parce qu'elles menacent l'avenir du parti. «La situation actuelle risque d'évoluer vers une dérive dangereuse pour l'avenir du parti», a-t-il mentionné. Selon lui, les divisions ne servent pas le parti qui risque de plonger dans une guerre fratricide. Comme pour les avertir du danger qu'ils courent, et ce, en se référant au spectacle désolant vécu, il n'y pas très longtemps par une formation rivale à propos des bureaux parallèles locaux, l'ex-SG du RND a expliqué que «le processus d'installation de bureaux locaux parallèles du parti aboutirait à la division des militants et même au risque de confrontation parmi eux.» N'empêche, sa démission est perçue comme une victoire, voire une bénédiction de la part de ses adversaires tant à l'intérieur du RND qu'à l'extérieur, car elle leur laisse désormais, le champ libre, surtout ceux qui caressent le rêve de devenir le prochain président coopté par le parti. Une chose est néanmoins sûre: Ahmed Ouyahia en a la carrure, et les 13 années qu'il a passées à la tête du RND lui ont permis de s'aguerrir et de se confectionner une image, celle d'un homme politique hors pair qui a laissé son empreinte partout où il est passé, même si on lui colle, parfois, l'étiquette d'un homme dur qui s'investit pleinement dans son travail, en prenant à coeur sa charge, mais ne sont-ce pas là les qualités de Ouyahia?