Illizi attend beaucoup de l'Etat Les citoyens du Sud ne sont pas de pauvres malheureux auprès desquels il faut aller se lamenter pour adoucir leur misère. Sans barrières, sans protocole, le ministre de l'Intérieur, Daho Ould Kablia et son collègue de l'Agriculture, Rachid Benaïssa se sont frottés, jeudi dernier, aux populations d'Illizi, lors des rencontres de concertation régionales sur le développement du Sud. Les deux ministres ont été apostrophés par les jeunes et les moins jeunes, ils ont été interrogés, il y a eu des questions, des réponses, des critiques et des joutes oratoires... un vrai échange, sans le moindre incident, ni dépassement. Le spectacle a laissé pantois les invités du jour venus du Nord s'enquérir de la situation de leurs concitoyens du Sud. Dès l'entame des débats, le ministre de l'Intérieur plante le décor pour répondre aux assertions selon lesquelles l'Etat a abandonné les régions du Sud. «C'est faux, l'Etat n'a jamais abandonné les régions du Sud», a commenté Daho Ould Kablia, rappelant que le premier Conseil des ministres organisé par le président Houari Boumediene en dehors de la capitale a eu lieu à la fin des années 1960 à Ouargla. Est venu ensuite le Fonds du Sud, constitué à partir de la fiscalité pétrolière, décidé par le président Liamine Zeroual durant les années 1990 et enfin toutes les réalisations faites depuis l'arrivée au pouvoir du Président Bouteflika. Il en veut pour preuve les sommes colossales dépensées par l'Etat. Il a indiqué, dans ce sens, que plus de 122 milliards de dinars ont été consacrés au développement des régions du sud du pays, entre 1999 et 2012, dans le cadre des trois programmes quinquennaux. «Les wilayas du Sud bénéficient d'une moyenne de 10 milliards par année.» Détaillant ses chiffres, M.Ould Kablia a affirmé qu'Illizi connaîtra un très grand changement d'ici à 2014 vu le nombre d'infrastructures qui y seront réalisées, notamment dans les secteurs de la santé, de l'éducation, de l'habitat, de l'enseignement supérieur, des infrastructures routières et des ressources en eau. Les intervenants défilent, expriment leurs doléances, puis c'est le tour d'un jeune. Il prend le micro et interpelle le ministre de l'Intérieur: «Vous avez déclaré à la télévision que les auteurs de l'attaque du site gazier à Tiguentourine a été faite par des citoyens de la région. C'est faux! Nous dénonçons ces terroristes!». On ne va pas en guerre avec des loosers Le ministre répond et précise qu'il ne faut pas sortir la déclaration de son contexte. «Nous savons maintenant que les terroristes sont rentrés de Libye, mais comment accuser la Libye en ces moments de l'attaque, nous n'avions aucune preuve. D'ailleurs, le Premier ministre libyen a affirmé, dans une déclaration, que les terroristes ne sont pas partis de la libye. Mais je lui ai répondu en lui disant que nous avons des preuves», rappelle M.Ould Kablia ajoutant: «Je souhaite que cette page soit tournée et soyez rassurés, je n'ai jamais douté du patriotisme et du nationalisme des citoyens de cette région.» Les applaudissements fusent. Porté par cette élan de sympathie retrouvée, le ministre rassure que «l'Algérie restera toujours debout» et que les frontières de l'Algérie avec les pays du Sahel à leur tête le Mali, sont «protégées». «Il n'y a aucune crainte quant à la situation sécuritaire aux frontières du sud du pays, car elles sont protégées par l'Armée nationale populaire», a-t-il déclaré. A une réponse sur les craintes de la population de cette région des répercussions de la crise malienne sur le développement des régions du Sud, M.Oud Kablia a indiqué que «les habitants ont un rôle dans la stabilité de la sécurité des frontières». Les intervenants ont d'ailleurs abondé dans ce sens. Certains d'entre eux sont allés jusqu'à proposer l'intégration des Touareg au sein des unités de l'ANP. «On a beau dépêcher des bataillons aux frontières, installer des postes avancés, sans l'implication des populations locales, les défaillances persisteront», a affirmé M.Bouamama, sénateur d'Illizi. Un autre intervenant propose la réhabilitation des unités de méharis qui seront conduites par des éléments touareg. Il connaissent le moindre recoin et peuvent sillonner toutes les frontières. «A condition de leur donner un statut et de les rémunérer convenablement». Alerte, infatigable, véritable machine à communiquer, le ministre de l'Agriculture, Rachid Benaïssa, ne se fait pas d'illusion. Pour lui, les citoyens du Sud ne sont pas de pauvres malheureux auprès desquels il faut aller se lamenter pour adoucir leur misère. Le Dr Benaïssa qui ne cesse d'attirer l'attention: «Détrompez-vous, les gens du Sud sont aussi ouverts que ceux du Nord, aussi instruits, aussi intelligent et aussi entreprenant. Il suffit de les écouter et surtout de les considérer pour gagner leur confiance.» Une autre vision, une autre approche surtout que le défi est grand. «Nous menons une guerre et nous n'allons pas à une guerre avec ses loosers» soutient le ministre de l'Agriculture. La guerre est celle de la sécurité alimentaire et la sécurité alimentaire signifie la souveraineté nationale. Et M.Benaïssa est convaincu de faire participer les citoyens du Sud à cette noble tâche d'assurer au pays sa nourriture. Cette fois-ci, ils sont sérieux... Le Sud qui contribue actuellement à hauteur de 18% de la production agricole peut augmenter ce résultat jusqu'à 30% dans les années à venir. Pour ce faire, le gouvernement a mis des mécanismes et pris des mesures en faveur des éleveurs et des agriculteurs du Sud, notamment en ce qui concerne le foncier en facilitant, entre autres, l'accès à la propriété foncière agricole (Apfa) et la simplification du dispositif de création de nouvelles exploitations agricoles. L'objectif visé «consiste à renforcer les bases économiques de ces régions en sécurisant les exploitants et en gagnant de nouvelles terres arables pour augmenter la production dans toutes les filières afin de contribuer au renforcement de la sécurité alimentaire du pays», a expliqué M.Benaïssa. Les quantités d'orge attribuées aux 10 wilayas du Sud ont été également revues à la hausse puisqu'elles vont doubler, passant à 50.000 quintaux par mois contre 25.000 quintaux en 2012 et ce, afin de permettre aux éleveurs, notamment camelins de faire face aux effets de la sécheresse. A la demande des acteurs locaux, notamment les investisseurs, l'administration a décidé, outre le maintien des crédits de campagne sans intérêts, d'étendre la période de remboursement des crédits d'investissement à taux d'intérêt zéro, à 5 ans au lieu de 3 ans actuellement. En attendant, les propriétaires des agences de tourisme attendent toujours des mesures du gouvernement. «Depuis cinq ans on n'a pas travaillé pour des raisons de sécurité, mais nous payons les impôts.» La réduction du billet d'avion vers les régions du Sud, des formations pour que des cadres de la région puissent gérer les administrations, et surtout une décentralisation de la décision, un épineux problème dont se plaignent même les citoyens du Nord. Ainsi s'est clôturé ce périple du Sud entamé il y a quelques semaines par trois départements ministériels: l'Intérieur, l'Agriculture et les Ressources en eau. Après trois rencontres tenues à Ghardaïa, Adrar et Illizi, qui ont concerné au total 10 wilayas du Sud, les membres du gouvernement ont convenu de booster la croissance économique dans ces régions en prenant des mesures en faveur des acteurs afin qu'ils participent à l'amélioration de la sécurité alimentaire du pays. A Illizi, l'échange a été direct et il a dégoupillé une situation de crise qui allait s'installer dans un terrain qui s'y prêtait, notamment après l'attaque du site gazier de Tiguentourine. «Ils sont toujours venus nous tenir des discours puis repartent, on ne les revoient plus. Mais cette fois-ci, on a senti une sincérité dans leur discours, ce n'est pas du populisme», chuchote un participant à cette rencontre. 100 locaux pour les commerçants L'Etat accordera les locaux aux commerçants victimes de l'incendie, qui a détruit lundi le marché de la ville d'Illizi, a affirmé le ministre de l'Intérieur. Dans l'attente de la réception d'un nouveau marché, qui interviendra «d'ici deux mois», 100 locaux commerciaux seront distribués aux commerçants ayant perdu leurs commerces, a précisé le ministre. Cependant, le ministre a précisé que la question des indemnisations des pertes engendrées par cet incendie sera étudiée par le gouvernement, surtout que la plupart des commerçants n'avaient ni registre du commerce ni autre papier prouvant qu'ils ont une activité commerciale. Dans la nuit de lundi à mardi, un incendie avait ravagé le souk de la ville d'Illizi, détruisant 69 commerces, mais sans faire de victimes.