La mafia de l'agroalimentaire a provoqué la tension sur ce produit pour pousser au pourrissement. Un plan concocté par certains a été mis en pratique depuis des mois. La finalité du scénario n'était autre que de pousser les citoyens à sortir pour manifester dans la rue et provoquer un crash social. Plusieurs indices plaident en faveur de cette thèse du complot. Tout d'abord, il faudrait revenir à la campagne 2000 pour comprendre la trame du scénario. Les producteurs s'étaient vu proposer, faute d'aires de stockage, de détruire de grandes quantités de pomme de terre qui risquaient de déstabiliser les circuits de distribution et casser les prix de vente. L'erreur se situe au niveau des structures de planification qui n'avaient pas arrêté un plan de production conforme à la demande du marché national. Mascara, Mostaganem et les plaines de Maghnia avaient, à l'époque, réalisé des records en matière de production de la pomme de terre. Les producteurs s'étaient retrouvés avec un excédent qu'ils ne pouvaient même pas stocker. Passée cette étape, la pomme de terre a servi de monnaie d'échange dans des opérations de troc avec les commerçants marocains. Elle a été même échangée contre de la drogue produite dans le Rif marocain. Emportés dans leur élan, les contrebandiers de la région Ouest ont épuisé très vite l'excédent avant de puiser dans les stocks qui servaient à réguler le marché local. D'autres quantités de pomme de terre ont quitté le territoire national avec la bénédiction des structures de l'Etat. Pour le seul port d'Oran, 2.650 quintaux ont été chargés pour être embarqués sur des bateaux en partance pour l'Europe. Même si cette quantité ne représente qu'une partie infime dans la demande du marché local, il faudrait lui ajouter les opérations réalisées à partir d'autres ports algériens. L'autre volet du plan consistait à faire coïncider cette crise avec les tensions sociales. Les événements de Kabylie, les émeutes nées des distributions de logements, les grèves dans le secteur économique constituaient, pour les architectes de la stratégie du pourrissement, autant d'éléments capables de servir de détonateur à une colère de la rue. La direction des services agricoles n'a pas anticipé. Elle a laissé faire, croyant que les producteurs pourraient, par les mécanismes de l'offre et de la demande, réguler la consommation. Mais, la spéculation aidant, les prix se sont envolés. Il n'y a qu'à se rappeler qu'au moment fort des émeutes en Kabylie et où la production 2001 devait être injectée sur le marché, la pomme de terre était proposée à 80, voire 85 DA le kg dans les marchés de Tizi Ouzou. Dans les zones traditionnellement connues productrices, certains fellahs n'ont pas trouvé mieux que d'utiliser la pomme de terre de consommation comme semence à bon prix, accentuant la tension. Les quantités importées et qui attendent le feu vert pour être placées sur le marché national ne constituent, selon certains, qu'un palliatif. Elles peuvent stabiliser les prix, mais elles laisseront en l'état la logique de marché pervertie par les spéculateurs qui n'ont pas hésité à se mettre sous la coupe d'une nouvelle mafia qui, voyant ses intérêts menacés, a tout fait pour pousser au pourrissement. Les services chargés de la régulation de la production et ceux ayant la responsabilité des moyens de stockage et de distribution sont appelés à revoir les schémas directeurs mis à mal par les relais locaux des spéculateurs et la définition de plan directeur pour chaque produit et pour chaque wilaya, car l'initiative locale a montré toutes ses limites, tout comme elle a été ébranlée au premier coup de semonce de «la pomme de terre connection».