«Il faut flatter la vache avant de la traire.» Proverbe arabe «Les voyages forment la jeunesse» dit le célèbre adage populaire. Cela dépend où l'on va. Il parait que ceux qui vont en Chine reviennent plus riches à condition qu'ils y aillent avec quelqu'un de haut placé. D'autres préfèrent cultiver leur jardin. C'est aussi mon avis et mon cas. Une affaire de famille m'avait entraîné sur les chemins du douar natal en compagnie d'un vague cousin. Et quand on fait la route, au bout d'un moment, on éteint la radio et on commence à faire le tour de l'actualité. Et celle-ci est d'une richesse étonnante et fait découvrir des pans d'information dont on suspectait l'existence, mais dont on ne parlait qu'à voix basse. «Je ne sais pas si le pétrole et le gaz peuvent être une bénédiction ou une malédiction. Mais les avis des gens sont partagés», avait déclaré Noureddine en entamant une montée imperceptible vers le défilé taillé dans la montagne. La vieille voiture peinait et il fut obligé de rétrograder la vitesse. «Regarde! dit-il en considérant le spectacle grandiose de ces flancs de montagne dénudés, non seulement ils ont fait la route, mais encore ils ont planté des arbres pour consolider les talus. Eh bien, sans pétrole, crois-tu que nous aurions le moyen d'entreprendre de tels chantiers?» «Nous aurions pu faire mille fois mieux que cela, répliquai-je. A l'époque de Boumediene, le pétrole ne valait pas aussi cher, mais les chantiers étaient tout aussi audacieux, le Barrage vert, la transsaharienne, les villages agricoles sans compter les lycées et écoles qui poussaient comme des champignons. On souffrait de pénuries mais on avait la sensation que le pays avançait. Le malheur a fait que cet homme est parti trop tôt: à peine enterré, des gens bien intentionnés ont commencé à se préoccuper du bien-être des citoyens, à importer des produits de luxe comme les fromages, les bananes et les ananas ou les amandes de Californie. Regarde où cela nous a menés. Les Algériens étaient devenus de simples consommateurs et de simples spectateurs devant le pillage généralisé. Là! tu as mis le doigt dessus. C'est le coeur du problème. Derrière chaque importation, il y a des gens qui s'enrichissent d'une manière éhontée. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas encore d'industrie performante. D'ailleurs, Belaïd Abdesselam, dans ses mémoires, a dénoncé le gouvernement qui avait préféré allouer des crédits à la construction de l'Oref plutôt qu'à la réalisation d'un complexe GNL. Regarde ce qu'est devenu l'Oref. A l'époque, personne ne pouvait parler: l'article 120, la répression féroce des opposants et des syndicalistes. Il y avait même des soi-disant journalistes qui étaient payés pour s'acharner sur les travailleurs et leurs représentants. On préparait en douce la restructuration, premier stade de la privatisation d'entreprises publiques viables. Ils accusaient les travailleurs d'être des assistés et de traire la vache laitière qu'était l'Algérie. Que sont-ils devenus tous ces gens-là? Ils sont en train de bouffer tranquillement leur rente dans leur coin. Est-ce qu'on les entend seulement murmurer sur ce qui se passe actuellement. Où sont ces courageux matamores alors qu'il y a une véritable épidémie de détournements qui s'abat sur les entreprises publiques? Que dis-je? Une véritable pandémie! C'est vraiment désolant de constater à quel point la corruption mine ce pays. C'est à se demander s'il y a seulement un responsable propre, qui n'ait pas mangé! Voilà des directeurs, des walis, des responsables éminents qui ont des salaires confortables, des revenus importants, des avantages considérables! Loin de remercier le ciel pour tous ces bienfaits, ils excellent dans le détournement d'argent et des terres agricoles, la conclusion de marchés frauduleux... Que sais-je encore! Et pourtant, ce sont les premiers à s'opposer quand des travailleurs osent demander une ridicule augmentation de salaire. Là, ils brandissent tout de suite des arguments comptables pour justifier une austérité qui ne s'applique qu'aux petits!».