Le président du Conseil constitutionnel français lors de sa conférence Le débat est d'ores et déjà lancé avec comme feuille de route l'expérience française. Ses aïeux lui ont fait un nom et lui, il a imposé son prénom: Jean-Louis Debré. A lui seul, il est déjà une référence. Homme politique, ancien ministre de l'Intérieur et ex-président du groupe parlementaire de l'UMP à l'Assemblée nationale française, il préside depuis 2007 le Conseil constitutionnel. Hier, il était à Alger où il a expliqué à l'assistante la révolution tranquille qu'il mène depuis trois ans au niveau du Conseil constitutionnel français dans sa communication portant le thème «La question prioritaire de constitutionnalité (QPC)». Dans cette bataille, qui n'est qu'à son début, M.Debré affirme avoir privilégié «l'efficacité, la rapidité, la transparence et la contradiction». Aujourd'hui, le rôle du Conseil constitutionnel, ne «se noie» plus dans des affaires strictes de droit, mais se concentre sur des questions de fond qui concernent la vie quotidienne des citoyens. Ainsi le QPC a profondément transformé l'architecture juridictionnelle française, mais ce n'est qu'un début. M.Debré s'exprimait dans le cadre d'une journée organisée par le Conseil constitutionnel et qui s'est déroulée en présence du président du Conseil de la nation, Abdelkader Bensalah, du président de l'Assemblée populaire nationale (APN), Mohamed Larbi Ould Khelifa, et un nombre de juristes. Animée par le président du Conseil constitutionnel français, Jean-Louis Debré et le directeur de la recherche du Centre national de la recherche scientifique français (Cnrs), le Pr Ahmed Mahiou, la rencontre s'inscrit dans le cadre de la série de conférences périodiques scientifiques spécialisées de l'activité du Conseil constitutionnel. La thématique a donné lieu à un profond débat où l'on s'est interrogé si l'Algérie était capable de suivre le modèle français? Il faut savoir que la saisine du Conseil constitutionnel en Algérie est une prérogative réservée aux seuls présidents de la République et présidents des deux chambres parlementaires. En France, cette prérogative est élargie au Premier ministre et aux députés dont le nombre dépasse 60 et aux citoyens sans exception aucune. Pour le président du Conseil constitutionnel, Tayeb Belaïz, l'élargissement de la saisine à d'autres parties est désormais une «revendication démocratique à même de renforcer le rôle du Conseil dans sa contribution à la protection et la promotion des droits et des libertés». La question de l'élargissement de la saisine à d'autres parties «est désormais une revendication démocratique tant pour la classe politique que pour les juristes partant de la conviction que cela renforcera le rôle du Conseil dans la contribution, aux côtés d'autres institutions, à la protection et la promotion des droits et libertés», a indiqué M.Belaïz dans une allocution à l'ouverture de cette journée d'étude. Le Pr Ahmed Mahiou estime qu'«il faut absolument élargir cette saisine» et pour ce faire, un débat s'impose», a-t-il déclaré. Mme Benabou, spécialiste en droit constitutionnel, est, quant à elle, sceptique. «Un élargissement de saisine du Conseil constitutionnel signifie une reconnaissance de fait de l'opposition. Je ne pense pas que cela arrangerait les décideurs, du moins pour le moment. Ensuite, même si on élargit la saisine, l'opposition est actuellement divisée, à moins qu'on le fasse pour la majorité au Parlement». On y est, le débat est d'ores et déjà lancé avec comme tableau de bord l'expérience française. Arrivé à la tête de l'institution, en mars 2007, Jean-Louis Debré a ressuscité l'idée de la Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) et l'a mise en place au terme de féroces batailles menées contre des hommes politiques, les juristes, les lobbys et la presse. Car pour extraire le Conseil constitutionnel, l'emprise du pouvoir politique, il fallait de l'endurance et du courage. M. Debré énumère ses combats: pas de décisions rendues avec des procédures écrites, n'importe quel citoyen peut assister à l'audience qui est d'ailleurs transmise sur notre site Internet. Et chaque groupe d'intérêt peut donner son point de veut, même s'il n'est pas concerné par le procès. «Avant, il fallait attendre cinq ans pour avoir la reconnaissance d'un droit», dit-il, affirmant qu'il a le résultat le plus retentissant puisque aujourd'hui en France, ce temps a été ramené à seulement deux mois et 20 jours. «Ma première conviction était d'être rapide tout en évitant le contentieux de masse. Pour cela, il fallait des filtres. Ces filtres étaient au niveau du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation», a-t-il expliqué. «Nous rendons des décisions claires, et le justiciable doit avoir la conviction qu'il est écouté.» C'est ainsi que le Conseil constitutionnel survit aux alternances politiques. Un exemple à suivre...