Moussa Benhamadi -Fatma-Zohra Derdouri Au moment où le ministre de la Poste et des TIC défend son projet de loi régissant le secteur, démentant toute tentation de réduire les prérogatives de l'Arpt, cette institution a rendu public un rapport très critique du texte. Le bras de fer entre le ministère de la Poste, et des Technologies de l'information et de la communication (TIC) et l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications (Arpt) se durcit. Au moment où le ministre du secteur, Moussa Benhamadi, présentait, hier à l'APN, l'avant-projet de loi régissant le secteur de la Poste et des TIC et rassurait sur les prérogatives de l'Arpt, cette institution a rendu public un rapport stigmatisant le texte du ministère. Pourtant, en marge de la présentation de l'avant-projet de loi, le ministre s'est voulu rassurant: «Il n'y a aucun changement dans les prérogatives de l'Arpt, au contraire ces dernières ont été élargies», a-t-il affirmé. «Avant, le rôle de l'Arpt se limitait à celui de la régulation de la poste et des télécommunications et l'avant-projet de loi a ajouté le domaine des technologies de l'information et de la communication à sa sphère d'intervention», a-t-il précisé. Le ministre a ajouté que l'avant-projet de loi «a défini et déterminé les relations entre l'Arpt et les différents opérateurs et ministères afin d'éviter les conflits autour des prérogatives de chaque intervenant». Ce que l'Arpt conteste en bloc dans un rapport intitulé: «Observation concernant quelques aspects du projet de loi fixant les règles applicables aux activités de la poste et des télécommunications et à celles liées aux TIC». Dans ce rapport répercuté, l'Autorité de régulation considère que le projet de loi l'a réduit à un rôle «purement consultatif», réduisant ses prérogatives en ce qui concerne l'élaboration des cahiers des charges. L'Arpt estime que «le régime de l'autorisation étant voulu souple et adaptable aux évolutions rapides d'un secteur à forte valeur technologique ne pourra s'accommoder de la lourdeur de l'instrument réglementaire». S'agissant du contrôle de conformité des équipements, l'Arpt explique qu'aux termes de l'article 171 du projet du gouvernement, les équipements une fois agréés, «sont soumis à une nouvelle procédure de contrôle de conformité» «Cette étape est inutile et contraignante car la procédure de l'agrément est par essence un contrôle de conformité aux normes», explique la même institution. De ce fait, l'Arpt interroge sur les raisons de soumettre une nouvelle fois l'équipement à «un contrôle de conformité bis», qui n'est en définitif, qu'une «procédure identique et donc bureaucratique». Plus grave encore, le gendarme des télécommunications soutient que l'article 175 du projet de loi est en «contradiction» avec l'article 15 qui donne «tous pouvoirs à l'Arpt en matière de contrôle et de requête d'information». Par ailleurs, l'Arpt estime que l'avant-projet de loi, s'il est adopté par le Parlement, conduira à un «affaiblissement» de la régulation. Selon le même rapport, les résultats auxquels conduira l'adoption de ce projet sont notamment «l'exclusion de certaines activités relatives à la poste et aux télécommunications du champ du contrôle et de l'arbitrage» et «l'atteinte à l'unité de la régulation et à sa cohérence». Pis encore, le projet de loi conduira, selon l'Arpt, à «un recul du principe de la régulation indépendante consacré depuis l'an 2000» et à «la division artificielle des marchés de la poste et des télécommunications». L'Arpt ne s'arrête pas à ce stade de critique. Elle ajoute que le projet de loi adopte une définition «étroite et restrictive» des marchés de la poste et des télécommunications, dans la mesure où le marché est «limité à son seul aspect concurrentiel, alors que la définition correcte de ce dernier est le lieu de rencontre de la demande et de l'offre indépendamment du caractère concurrentiel ou non du marché». «Cela conduit en pratique à exclure du champ de la régulation et du contrôle certaines activités et leur exemption du champ d'application des compétences de l'Arpt, en contradiction avec le principe de l'unité du marché et de l'unité de la régulation qu'il appelle dans le même domaine», note la même source. Ainsi, le ministre ne fait pas seulement face aux critiques des députés mais aussi à celle de l'Arpt, sur ce projet de loi très controversé.