Le ministre des Finances a mis en garde contre des hausses de salaires qui peuvent mettre en danger les équilibres budgétaires dans le cas d'un effondrement des prix du pétrole. La crise mondiale a impacté l'Algérie. Karim Djoudi prévient: l'économie algérienne traverse «un moment crucial». Elle donne des signes d'essoufflement. Sa fragilité est mise en évidence par sa quasi-dépendance par rapport aux exportations d'hydrocarbures. Sa bonne santé financière n'est due qu'à des prix élevés du baril de brut. Un schéma aléatoire qui n'est pas fait pour entrevoir l'avenir de façon sereine même si le pays repose sur un matelas financier de quelque 200 milliards de dollars. L'ère de l'après-pétrole se profile et frappe à nos portes. L'Algérie est-elle prête à l'affronter? A défaut de réponse, le grand argentier du pays s'est borné à rendre un inquiétant constat qui sonne comme une mise en garde. Presque un verdict. Une condamnation. «Notre économie traverse un moment crucial parce qu'elle va devoir basculer d'une demande publique à une demande privée, ménages-entreprises, voire exportations, qui tire la croissance. Il s'agit de passer d'une économie quasiment de rente à une économie de production», a déclaré, le 9 mai, le ministre des Finances en marge d'une séance de questions orales à l'Assemblée nationale. Ces propos interviennent au moment où ont été décidées des hausses de salaires pour les députés, des revalorisations des pensions militaires et des retraites alors que le personnel du secteur de la santé revendique la révision de son statut particulier et de son régime indemnitaire. Quelles incidences peuvent-elles avoir sur l'équilibre budgétaire? «C'est comme dans une famille, si vous tirez trop sur la corde, vous risquez de tout perdre» a souligné le grand argentier du pays qui a conseillé la prudence en matière de politique salariale. «Il faut être très prudent sur les salaires, parce que si on va au-delà, on met en difficulté l'avenir de nos équilibres budgétaires» a-t-il indiqué. Compter uniquement sur les recettes engrangées grâce aux exportations de pétrole et de gaz pour assurer les revenus des salariés, répondre à leurs revendications et financer en même temps des projets de développement économique ambitieux (construction de millions de logements, d'autoroutes, de réseaux ferrés...), peut mettre l'économie nationale à genoux. Et si les cours de l'or noir venaient à s'effondrer? «En cas d'une baisse importante et confirmée des prix du pétrole, les recettes algériennes vont certes baisser et ce sont alors les dépenses de fonctionnement qui vont creuser le déficit public...», a fait remarquer Karim Djoudi. Ce scénario pointe le bout de son nez. Les prix du pétrole ont plongé sous la barre des 100 dollars à Londres et des 90 dollars à New York à la mi-avril. Une côte d'alerte qui a été largement franchie. Un rapport de la Banque d'Algérie sur l'évolution économique et monétaire en Algérie, l'atteste. «L'équilibre budgétaire requiert des niveaux de prix des hydrocarbures supérieurs à 112 dollars le baril», avait prévenu Djamel Benbelkacem, directeur-conseiller de cette institution qui avait présenté ce document au début du mois de juillet 2012. Les salaires des Algériens pourront-ils en pâtir? La prudence «nous oblige aujourd'hui à être beaucoup plus nuancés sur les augmentations de salaires», a indiqué Karim Djoudi. Les revendications salariales risquent cependant d'être plus exacerbées par une nouvelle flambée des prix annoncée pour le mois de Ramadhan qui débutera dans moins de deux mois. En l'absence de «pare-feu» pour juguler la hausse fulgurante des produits de consommation, des fruits et légumes... qui a mis à mal le pouvoir d'achat des Algériens, il ne restera aux pouvoirs publics qu'un seul recours pour préserver la paix sociale: mettre, contre leur gré, la main à la poche.