Les militants de Tamarod affirment avoir rassemblé 15 millions de signatures pour demander une élection présidentielle anticipée. «L'Egypte, ce sont aujourd'hui les Frères musulmans d'un côté, et le reste des Egyptiens de l'autre», affirme Mahmoud Badr, le fondateur d'une campagne réclamant le départ du président islamiste Mohamed Morsi, alors qu'un clivage croissant fait redouter de nouvelles violences dans le pays. Plusieurs partis et groupes de l'opposition, dont la coalition du Front du salut national (FSN), se sont ralliés à l'appel de la campagne à manifester en masse devant le palais présidentiel le 30 juin, date marquant le premier anniversaire de l'investiture de M.Morsi. En quelques semaines, Tamarod s'est fait connaître à travers le pays, dans les villes mais aussi à la campagne, battant le rappel devant les stations de métro comme sur la place Tahrir. Capitalisant sur la grave crise économique que traverse le pays, les pénuries de carburant, les coupures d'électricité et la hausse des prix, elle veut rassembler les Egyptiens autour d'un mot d'ordre: «faire tomber le pouvoir des Frères», accusé de vouloir monopoliser tous les rouages de l'Etat. Mais elle divise aussi la population, dont une partie soutient le président sans faille et craint l'instabilité. «Rassembler des signatures pour ou contre le président n'a pas d'effet juridique contraignant. C'est une pression politique, sans plus», dit le magistrat Mohammed Hamed, ancien président du Conseil d'Etat. Mahmoud Badr, lui, explique avoir lancé Tamarod «après que Morsi a échoué politiquement, économiquement, socialement et a été incapable de réaliser les objectifs de la révolution» de début 2011, qui a renversé le président Hosni Moubarak. «Tamarod n'a pas créé la polarisation, qui existait bien avant elle. Tamarod a rassemblé les Egyptiens toutes tendances confondues autour de l'idée de faire tomber Morsi», soutient-il. «J'ai voté Morsi à la présidentielle mais j'ai signé la pétition de Tamarod parce qu'il n'a pas tenu ses promesses», explique Ismaïl Amr, un commerçant, reflétant la déception de nombreux Egyptiens. Tamarod espère voir son action aboutir au départ de M.Morsi et à la remise du pouvoir au président de la Haute cour constitutionnelle, avec la formation d'un gouvernement de technocrates, un scénario que rejettent catégoriquement les partisans du président, élu démocratiquement en juin 2012. M. Morsi a prévenu qu'il agirait «avec détermination» face à «ceux qui pensent qu'ils peuvent détruire la stabilité», les qualifiant de «partisans et de vestiges de l'ancien régime» tentant de «pousser le pays dans une spirale de violences et de chaos».Des analystes disent craindre que les manifestations ne conduisent à un chaos politique et sécuritaire si le chef d'Etat était renversé. Ahmed Abd Rabbou, qui enseigne les sciences politiques à l'Université du Caire, met ainsi en garde contre une «fin de la démocratie en Egypte si Morsi tombe et que l'armée prenne le pouvoir». Les Frères musulmans ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes vendredi pour «défendre la légitimité» du président élu l'an dernier, et affirmer leur présence sur le terrain. La polarisation politique prend aussi une portée religieuse.