Cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani et cheikha Moza Le vrai changement pour cette monarchie qui soutient les soulèvements antigouvernementaux dans les pays du printemps arabe, c'était d'oser une monarchie constitutionnelle. Ce n'est pas le cas. La nouvelle a commencé à circuler dans les médias à la mi-juin. Elle est devenue officielle depuis hier. L'émir du Qatar, cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani, au pouvoir depuis 18 ans, a décidé de remettre le pouvoir à son fils cheikh Tamim ben Hamad Al Khalifa. Il a prononcé hier matin un discours à la nation et auparavant, il s'est réuni avec la famille régnante et les notables pour les informer de sa décision de remettre le pouvoir au prince héritier, cheikh Tamim ben Hamad Al Khalifa. Physiquement très diminué, astreint à un régime alimentaire draconien qui lui a fait perdre plus de 40 kilos, l'impact de l'abdication de cheikh Hamad, est différemment apprécié aux double plan interne et externe. Au plan interne, il serait naïf de se faire des illusions pour un pareil changement dans la continuité. Le Qatar reste une dictature au sens propre du mot et certaines organisations humanitaires n'hésitent pas à le qualifier d'Etat esclavagiste. Quant à la liberté d'expression, elle est quasiment interdite. En novembre 2012, un tribunal du Qatar a condamné à la prison à vie un poète poursuivi pour incitation contre le régime et diffamation du prince héritier. Dans un poème, Mohamed al-Ajami a simplement rendu rend hommage à la révolution tunisienne et exprimé l'espoir que le changement touche d'autres pays arabes, affirmant «nous sommes tous la Tunisie face à une élite répressive». C'était suffisant pour qu'il aille en prison. C'est pour expliquer ce changement de façade. Car le vrai changement pour cette monarchie qui soutient les soulèvements antigouvernementaux dans les pays du printemps arabe, c'était d'oser une monarchie constitutionnelle. Ce n'est pas le cas. Mais, il reste quand même que ce changement sera particulièrement ressenti dans tout le Monde arabe qui attendait une pareille révolution. Le nouvel homme fort du Qatar, le jeune Tamim Ben Hamad Al-Thani, poursuivra-t-il la démarche imprimée par son père, maintiendra-t-il la même politique expansionniste fixée par le Premier ministre Hamad Ben Jassem Al-Thani? Déviera-t-il les principes de base de la politique qatarie? Va-t-il mettre un frein sur des dossiers brûlants comme la Syrie? Autant le Qatar est un petit pays, autant ce changement induira des bouleversement réels dans le Monde rabe, à commencer par les islamistes et les révolutions. Selon la politique qu'adoptera le nouveau patron, il n'est pas à écarter un enlisement des révoltes arabes et ensuite un éventuel tarissement de la source de financement des islamistes. Déjà que ces derniers trouvent toutes les difficultés du monde à solutionner les problèmes sociaux et à répondre aux attentes de leurs citoyens. Chauffé à blanc par les puissances occidentales au compte desquelles les deux hommes ont exécuté un rôle de sponsor des révolutions arabes, il s'est donné un rôle d'acteur majeur dans la région au point d'agacer les autres monarchies du Golfe dont son voisin immédiat, l'Arabie Saoudite. Pis encore, par ses accointances avec les islamistes, le minuscule Emirat s'est engagé dans une démarche. C'est dans cette perspective qu'il a appuyé le parti Ennahda en Tunisie actuellement au pouvoir, il a porté à bras-le-corps les Frères musulmans en Egypte également au pouvoir, il a offert sa médiation dans le conflit yéménite, déboursé une fortune et contribué militairement à renverser le colonel El Gueddafi en Libye et il est à la tête des Etats arabes qui poussent à armer l'opposition syrienne pour faire éjecter du pouvoir Bachar Al Assad et installer, évidemment à sa place, des islamistes. Tapageuse, la politique étrangère du Qatar a généré un flot croissant de critiques. Par cette décision, il a anticipé sur le mécontentement de plusieurs pays arabes qui en ont ras-le-bol de ce minuscule pays aux ambition extravagantes. «Ça permet encore au Qatar de se démarquer de ses voisins dont les dirigeants vieillissants sont inamovibles», estiment plusieurs observateurs. Avec l'Algérie, les rapports n'ont été altérés que depuis la révolte en Libye et en Syrie. Les deux pays ont des visions diamétralement opposées. Mais depuis, la situation semble évoluer dans le sens des affaires comme l'a témoigné la visite d'un ton plutôt cordial effectuée le 7 janvier dernier de l'émir Hamad à Alger.