Ces dernières années, beaucoup d'attention a été portée aux combattants étrangers Une fois recrutés, ces jeunes sont emmenés en Somalie pour suivre un entraînement poussé, selon un rapport des experts de l'ONU. Il y a quatre semaines, les islamistes somaliens shebab revendiquaient une sanglante attaque contre le centre commercial Westgate de Nairobi. Signe, selon des experts, que la menace de cellules régionales dormantes des insurgés, ou de leurs sympathisants, reste élevée. «Si vous n'avez pas retenu la leçon du Westgate, sachez que (d'autres attaques) arrivent», disaient la semaine dernière des banderoles brandies dans des manifestations à Barawe, port du sud somalien aux mains des shebab, visé par un raid des forces spéciales américaines 15 jours après l'attaque de Nairobi. «Pour chaque musulman tué à Kismayo, le Kenya paiera le prix», proclamaient d'autres banderoles, en référence à cet autre port du sud somalien pris aux shebab par l'armée kenyane en 2012. De nombreuses questions demeurent sur l'attaque du Westgate, notamment sur l'identité des assaillants et quelle faction des shebab serait derrière eux. Mais pour des sources sécuritaires, cette attaque, qui a certainement demandé une longue et minutieuse préparation, témoigne d'une inquiétante montée en puissance des opérations shebab. Les insurgés s'éloignent de leur «politique somalienne» pour se rapprocher de la «stratégie internationale d'Al Qaîda», nébuleuse à laquelle ils sont affiliés, estime Richard Dowden, de la Royal African Society britannique. L'attaque du Westgate «sous-entend que l'extrémisme violent dans la Corne de l'Afrique est en train d'évoluer», a aussi jugé la secrétaire d'Etat américaine adjointe chargée de l'Afrique, Linda Thomas-Greenfield. Pour maîtriser les shebab, deux champs d'action seraient nécessaires: l'un en Somalie, où la force de l'Union africaine (UA) Amisom, forte de 17 700 hommes, combat les islamistes depuis 2007; l'autre ailleurs dans la région, en particulier dans les pays impliqués militairement dans la lutte contre les shebab en Somalie, comme le Kenya, l'Ouganda, le Burundi et l'Ethiopie. L'Afrique de l'Est, terrain de recrutement des shebab. Ces dernières années, beaucoup d'attention a été portée aux combattants étrangers, essentiellement d'origine somalienne, présents parmi les shebab. La BBC identifiait d'ailleurs hier, l'un des assaillants du Westgate comme un Norvégien d'origine somalienne de 23 ans. Mais des dizaines, voire des centaines de jeunes hommes ont également été recrutés par les islamistes à travers la Corne de l'Afrique, avant d'être emmenés en Somalie même pour suivre un entraînement poussé, ont récemment affirmé des experts de l'ONU dans un rapport. D'autres recrues sont restées dans leurs pays, où elles s'y sont radicalisées. «Il y a des sympathisants locaux des shebab ou de groupes assimilés à travers l'Afrique de l'Est, mais jusqu'ici leurs actions se sont limitées à des attaques de relativement petite échelle, comme lancer des grenades ou tirer sur des forces de sécurité», relève une source sécuritaire occidentale. «L'attaque du Westgate était d'une ampleur différente, elle a demandé plus de préparation, de fonds et d'entraînement», a-t-elle poursuivi. «Les shebab ont la capacité d'envoyer des recrues particulièrement bien entraînées, qui attendent l'ordre de mener une action à grande échelle spécifique». Dans leur dernier rapport, publié en juillet, les experts de l'ONU avaient listé un certain nombre de groupes islamistes liés aux shebab, comme Al-Hijra au Kenya, anciennement connu sous le nom Muslim Youth Center, ou Ansar Muslim Youth Center en Tanzanie. Des mouvements ont aussi été répertoriés au Rwanda et au Burundi. «Les shebab continuent de poser une menace régionale et internationale» via ces groupes, poursuivait le rapport, notant que plus l'Amisom gagnait du terrain contre les islamistes en Somalie, plus les combattants shebab rejoignaient les pays voisins avec, pour certains, «l'intention de soutenir le djihad dans la région». Les shebab ont déjà montré leur capacité à mener des attaques d'envergure dans le passé, à Mogadiscio ou même à Kampala, la capitale ougandaise où un double attentat avait fait 76 morts en 2010. Pour Devon Knudsen, du Centre d'études stratégiques sur l'Afrique basé aux Etats-Unis, l'attaque du Westgate témoigne ainsi moins d'une augmentation drastique des capacités des islamistes que «d'un changement des priorités et motivations des principaux stratèges shebab». Certains avancent même que l'attaque du Westgate avait notamment pour objectif de déclencher une politique de représailles des autorités kenyanes vis-à-vis des centaines de milliers de réfugiés somaliens et de Kenyans d'origine somalienne au Kenya. Avec pour but ultime de recruter et former, parmi cette population stigmatisée, des combattants. «Les meilleurs outils de recrutement des shebab sont la revanche, le nationalisme et l'exclusion», estime EJ Hogendoorn, de l'International Crisis Group, selon qui la revendication publique de l'attaque visait à «déclencher des représailles contre les Somaliens - et les musulmans - au Kenya et dans le sud de la Somalie».