Le centre culturel algérien à Paris a vibré samedi dernier sous les voix de six femmes dans le cadre d'un évènement musical des plus enchanteurs, son mentor nous en parle.. L'Expression: Vous êtes journaliste animateur de radio à Beur Fm, comment vous êtes-vous retrouvé à monter un tel projet (le chaâbi au féminin?) Et pourquoi le chaâbi en particulier et pas un autre style de musique? Mourad Achour: J'ai une longue histoire avec le chaâbi. J'ai déjà commencé à faire de la radio sur Beur FM au milieu des années 1990 par des émissions autour du chaâbi et de l'andalou. Depuis je suis passé à autre chose certes, mais l'étiquette me colle encore à la peau et vu que je connais tous les artistes de ce genre de musique, un de mes amis m'a gentiment suggéré de prendre la direction d'un rendez-vous mensuel autour du chaâbi à Paris (Les samedis du chaâbi) où j'ai créé l'événement avec des artistes qui présentent un grand concert un samedi par mois. Il faut dire qu'on a voulu instaurer une tradition comme il en existe à Paris avec les soirées tango ou flamenco... et ça a marché. Le public parisien était très demandeur d'écouter le chaâbi. De plus, je voulais un résultat à la fois convivial et festif comme le public aime. Pourquoi le chaâbi au féminin? L'objectif de cette manifestation? Avec le rendez-vous mensuel «Les samedis du chaâbi» où je proposais un joli moment chaâbi le temps d'un concert, une envie m'envahissait: produire un concert chaâbi, mais avec une artiste femme. J'ai tout de suite pensé à Malya Saâdi. Mais elle ne fait pas que du chaâbi. Alors, un projet qui réunirait plusieurs femmes s'appropriant ce style jusque-là considéré comme l'apanage des hommes s'est imposé à moi. Et en tant que directeur artistique, j'essayais dans la mesure du possible de proposer une programmation qui se distinguait des autres. J'ai fait appel à d'autres voix qui viennent d'horizons musicaux différents, toutes aussi confirmées que Malya Saâdi comme Meriem Beldi, Syrine Benmoussa, Amina Karadja, Hind Abdellali, Samira Brahmia et Samia Diar. J'ai aussi formé un groupe de musiciens sous la direction de Noureddine Aliane, composé de Kahina Afzim, Amine Khettat, Nabil Bouchama, Yahia Bouchala et Nasser Haoua. Le public est toujours à la recherche d'une bonne soirée sans risque, et le chaâbi au féminin a créé l'événement et l'engouement du public parisien. Le projet a beaucoup évolué de décembre 2012 à mars 2013 où il a été formé et je lui ai choisi un nom simple et direct «Le Chaâbi au féminin». Ce sont plusieurs voix féminines qui interprètent ainsi des oeuvres jusque-là écrites par les hommes et pour les hommes. Un événement exceptionnel qui participe de l'histoire sans cesse renouvelée du chaâbi, entre mondialisation et tradition réinventée. Sans qu'il y ait une déformation des esthétiques, ou une déformation de l'éthique du chaâbi. C'est un spectacle qui remet en avant cet héritage musical masculin par des voix féminines. «Le chaâbi au féminin» est un projet fort, permettant aux femmes de reprendre une vraie place dans la musique chaâbi. En effet beaucoup croient que l'amour du chaâbi, l'état d'esprit chaâbi, le chant chaâbi et sa transmission ont toujours été l'apanage des hommes. Pourrait-on connaître le programme du spectacle? S'il existait un concours de soirée parisienne de chaâbi «Le chaâbi au féminin» aurait de fortes chances de l'emporter! Si son caractère hautement ludique et convivial ne suffisait pas à le distinguer, sa programmation retiendrait l'attention du jury. Car ce spectacle rend hommage aux grands maîtres tels qu'El Anka, Mustapha Toumi, Mahboub Bati, El Badji, Dahmane El Harachi, Guerouabi, Amar El Achab... et puis toutes ces belles poésies chantées comme El Qahwa we latay, Kifach Hilti, Mir El Ghram, Sobahan Allah Ya Ltif, El Hmam, Rayha Wine et d'autres morceaux du type chansonnette comme El Barah, Techaourou Aliya, Sali Trach, le tout chanté en choeur, en solo, duo ou trio. On sait que vous avez une forte envie d'amener ce spectacle à Alger. Expliquez-nous les raisons? J'ai bien envie de donner vie à ce projet en Algérie après le succès qu'il a pu connaître lors de la première représentation du 25 mai. La dernière, de ce 26 octobre a été une réussite. On a joué à guichets fermés devant un public qui est venu en grand nombre pour applaudir les femmes qui se sont appropriées le chaâbi avec leur sensualité. Cette effervescence et cet engouement m'ont flatté. J'ai bien envie de les partager aussi avec le public algérien, qu'on soit programmé sur les différents festivals et autres scènes en Algérie pour permettre au public algérien de découvrir le chaâbi par des femmes qui ont repris une vraie place dans cet héritage musical.