Premier voyage du chef de la diplomatie américaine en Egypte depuis la destitution de Mohamed Morsi John Kerry a affirmé hier que son pays était déterminé à continuer à travailler avec l'Egypte, lors de sa première visite chez le grand allié arabe des Etats-Unis depuis la destitution de Mohamed Morsi par l'armée. M.Kerry est arrivé au Caire pour une visite de quelques heures à la veille du procès du chef d'Etat déposé, avec pour objectif de resserrer les liens entre les Etats-Unis et l'Egypte, alliés de longue date, bousculés par le coup de force contre le premier président élu démocratiquement et la répression meurtrière de ses partisans qui a suivi. Washington a ainsi gelé partiellement son aide, essentiellement militaire, à l'Egypte en mesure de rétorsion, aggravant la «phase délicate» des relations bilatérales, selon la diplomatie égyptienne. Dans ce contexte, M.Kerry a tenu à affirmer que Washington, «ami» et «partenaire» de l'Egypte, «s'engageait à travailler ensemble et à poursuivre (la) coopération avec le gouvernement par intérim», lors d'une conférence de presse au Caire aux côtés de son homologue égyptien Nabil Fahmy. Les Etats-Unis ont soutenu durant ses trois décennies de présidence le prédécesseur de M.Morsi - Hosni Moubarak, renversé par une révolte populaire début 2011 - faisant du plus peuplé des pays arabe un allié de poids pour tenter de maintenir la stabilité dans la région. En octobre, le «recalibrage» de l'aide à l'Egypte - 1,5 milliard de dollars par an dont 1,3 milliard d'aide militaire - a jeté un froid, l'Egypte affirmant désormais vouloir «élargir (ses) options» pour «servir (ses) intérêts nationaux», selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Badr Abdelaty. Estimant que «les relations américano-égyptiennes ne peuvent être résumées à l'assistance», M.Kerry a ajouté que «l'aide américaine directe au peuple égyptien continuerait pour aider à lutter contre le terrorisme». De son côté, M.Fahmy qui avait récemment qualifié de «tendues» les relations égypto-américaines a dit «croire après (les) entretiens avec le secrétaire d'Etat américain qu'il y a de bons indicateurs montrant que nous cherchons à reprendre ces relations de façon positive». M.Kerry devait encore rencontrer le président par intérim Adly Mansour, ainsi que le nouvel homme fort du pays, le chef de l'armée, le général Abdel Fattah Al-Sissi, lors de sa première étape d'une longue tournée au Proche-Orient et dans le Golfe. Leurs discussions porteront entre autres sur la transition politique promise par la feuille de route rédigée par les militaires et ses avancées afin de déterminer quand «il sera possible de lever le gel (de la livraison) de certains équipements», a indiqué un haut responsable du département d'Etat. M.Kerry doit aussi plaider, a-t-il ajouté, pour que la transition - qui prévoit un référendum sur une nouvelle Constitution, actuellement en cours de rédaction, puis des élections législatives et présidentielle d'ici mi-2014 - soit «viable», «démocratique» et qu'elle «inclut toutes les parties», alors que les autorités poursuivent leur implacable répression des Frères musulmans, la confrérie de M.Morsi qui avait remporté haut la main les élections législatives organisées fin 2011. Alors que plus d'un millier de personnes -en majorité des manifestants pro-Morsi - ont été tuées et quelque 2.000 islamistes arrêtés depuis la destitution de M.Morsi et les violences qui ont suivi, M.Kerry a affirmé que «personne ne devrait être autorisé à recourir à la violence en toute impunité», condamnant attentats et affrontements qui ont récemment ensanglanté le pays. M.Kerry devait également rencontrer des acteurs de la société civile et évoquer avec eux - à huis clos - les inquiétudes des défenseurs des droits de l'homme. A la veille du procès de M.Morsi qui doit répondre avec 14 coaccusés de la mort de sept manifestants devant son palais présidentiel fin 2012, aucun des deux responsables n'a toutefois évoqué ce rendez-vous judiciaire. Certains responsables évoquent malgré tout, sous le couvert de l'anonymat, d'autres requêtes de l'administration américaine, sans toutefois donner plus de détails. Si Washington a demandé la libération de M.Morsi et la fin des procès politiques, les Etats-Unis se sont toujours refusé à qualifier sa déposition de «coup d'Etat». «M.Morsi a montré qu'il ne voulait ou ne pouvait pas gouverner en associant toutes les parties, ce qui lui a attiré la colère de nombreux Egyptiens», a récemment estimé la sous-secrétaire d'Etat Beth Jones devant les parlementaires américains. L'armée a répondu «aux désirs de millions d'Egyptiens qui pensaient que la révolution prenait un mauvais tour», a-t-elle ajouté, en référence aux manifestations monstres réclamant fin juin le départ de M. Morsi sur lesquelles les militaires se sont appuyés.