Au menu, 100 pages d'informations, d'interviews, d'enquêtes et de reportages inédits pour décrypter l'Algérie et la France d'aujourd'hui... La mémoire et après? est le thème d'une conférence-débat animé lundi dernier à l'Institut français d'Alger à l'occasion du lancement du magazine AlgerParis en partenariat avec l'Institut français d'Alger. Un magazine qui suit les traces de l'autre revue ParisBerlin et se veut ainsi contribuer à une meilleure compréhension mutuelle et propose tous les deux mois son regard sur les relations franco-algériennes. Au menu, 100 pages d'informations, d'interviews, d'enquêtes et de reportages inédits pour décrypter l'Algérie et la France d'aujourd'hui, apporter un regard croisé sur les deux pays et les relations qu'ils entretiennent, dépasser les préjugés et les idées reçues, impulser un débat transgénérationnel, transculturel et transnational d'un nouveau genre et enfin élargir l'horizon franco-algérien par une démarche résolument tournée vers le futur et l'espace euroméditerrannéen, affirme le communiqué de presse. Pour en parler, des intervenants d'ici et d'ailleurs ont mené cette conférence. On citera Benjamin Stora, historien et Alfred Grosser, politologue, sociologue et historien. Et enfin avec comme modérateur Dominique Wolton, sociologue. Prenant la parole en préambule, Olivier Breton, directeur de la rédaction et de la publication de la revue dira que cette dernière vient à point nommé afin de «redynamiser les relations algéro-françaises et ce, dans tous les domaines» et de rajouter: «Elle s'inscrit dans une dynamique constructive, suite à l'avènement du président Hollande en Algérie et notre Premier ministre. (...) il s'agit de savoir comment déployer et développer ces relations, les comprendre, faire aimer la France aux Algériens et vice versa, tout en étant ouvert sur l'Euroméditerrannée. La place de la mémoire avec l'Algérie c'est très important dans tout processus de réconciliation...». Peut-on suivre le modèle france-allemand? se demande-t-on? «Pas tout à fait, mais sur plusieurs points de vue, oui».dira Alfred Grosser dans son allocution. Ce dernier, pour surmonter le passé préconisera la sauvegarde de nos identités tout en gardant des distances vis-à vis de ces mêmes identités afin d'en porter un regard constamment critique. Autrement «que la mémoire soit sauvegardée, il faut qu'on rejette les choses négatives, en y prenant conscience. Il s'agit donc de savoir transformer la négativité du passé en choses positives, ce qui peut s'appliquer sur les rapports entre l'Algérie et la France». Avouant être de père juif, cela ne l'empêchera pas pour autant et à juste titre, d'être très critique envers la politique d'Israël surtout concernant la Palestine. Dominique Wolton, pour sa part, tentera de concilier la dimension de l'identité culturelle dans la crise de la mondialisation, soutenant l'idée qu'il faut savoir comment transcender ensemble les deux dimensions contradictoires de cette même entité, à la fois en valorisant ces identités culturelles sans tomber dans le nationalisme primaire. «Si on ne les tricote pas à l'universalité on aura un repli sur soi; d'où la problématique de faire en sorte que les différences ne doivent pas être perçues comme des facteurs de haine.» évoquant donc la notion d'«altérité» il parlera brièvement du racisme qui prévaut en France en faveur des émigrés et des Roms, tout en soulignant que c'est «l'enjeu politique du XXIe siècle. Cela peut se résoudre par le respect notamment de la diversité linguistique», argue-t-il. Se voulant être plutôt modeste dans son argumentation par rapport à cette idée de réconciliation franco-algérienne qui ne tardera pas à s'installer entre les deux gouvernements, a-t-elle estimé, Wassila Tamzali a préféré parler de comment des Français et des Algériens ayant un rapport fait de «compréhension, mais aussi de petits problèmes comme dans n'importe quelle famille» arriveraient-ils «à capitaliser ce rapport», en attendant que les politiques fassent ce pas, estimant, par ailleurs, que les jeunes Algériennes ne s'intéressent guère à leur histoire. Reprenant la parole, Alfred Grosser dira ne pas utiliser le terme de réconciliation, mais préférer parler de «connaissance» autrement dit de bien connaître l'Autre qui est fondamental pour lui. «Beaucoup a été dit et écrit, bien qu'il reste encore à faire» fera remarquer, quant à lui, Benjamin Stora qui soulignera que la question de la mémoire «continuera pendant longtemps à encombrer les relations entre les deux pays.» Et d'ajouter: «La différence entre les Algériens et les Français est que ces derniers veulent entrer dans la mémoire et y rester alors que les Algériens veulent regarder autre chose.» Aussi parlera-t-il de la différence de perception de l'histoire de la Guerre d'Algérie, par les uns et les autres, à savoir que les Français s'intéressent à sa fin et les Algériens à son démarrage.» Et de renchérir: «Il ne s'agit pas de vouloir réaliser un manuel scolaire sur cette histoire commune qui est le plus important, mais comment développer les échanges...» S'agissant du modèle de paix installé entre la France et l'Allemagne, Benjamin Stora dira que c'est incomparable avec l'histoire entre l'Algérie et la France, ne serait-ce que par la durée de cette guerre, précisant toutefois que «la comparaison peut être féconde justement dans la différence historique. Il faut déjà commencer par connaître l'histoire des Algériens, chose assez méconnue en France». Pour Dominique Wolton, l'important aujourd'hui, finira-t-il par dire, est «la cohabitation des mémoires et ce, par des projets communs avec les sociétés civiles et les «Etats. C'est là où il y a des choses à faire» souligne-t-il.