Prenant acte des mauvais traitements infligés par l'armée américano-britannique contre les prisonniers irakiens, un collectif de 11 personnalités de la société civile française ont appelé, hier, la France «à condamner également et officiellement» les tortures pratiquées par l'armée coloniale en Algérie durant la guerre de décolonisation. Josette Audin (veuve de Maurice Audin), Gisèle Halimi (ancienne avocate du FLN), Germaine Tillon (éthnologue), Henri Alleg et Pierre Vidal-Naquet, qui se sont déjà distingués pendant la guerre par leurs écrits dénonçant la pratique de la torture, viennent présentement remettre sur le tapis cette obsession d'amener la France à reconnaître son passé sans censure. Avec cette nouvelle vague réclamant justice et reconnaissance envers les damnés de l'armée coloniale, c'est la polémique sur les exactions antérieures de l'Hexagone qui est en passe de se réincarner. Ce qui prouve que tous ceux qui luttent pour que les principes de la 5e République soient applicables pour tout le monde ne comptent pas baisser les bras. Preuve en est, la persévérance dudit collectif qui a déjà défrayé la chronique en 2000 en ayant l'outrecuidance de presser les autorités françaises «de ne plus retarder cette reconnaissance et de donner ainsi l'exemple du rejet de ces pratiques qui entachent l'honneur de tout un peuple». Malgré tout ce remue-ménage, le gouvernement français persiste à se voiler la face en refusant d'admettre le caractère inhumain du traitement réservé à la population indigène. Pour lui, les horreurs de la guerre d'Algérie n'étaient ni plus ni moins qu'une «situation de guerre parfaitement tolérable». Poussant le cynisme plus loin, les autorités françaises sous la férule de Jacques Chirac, ont même confectionné des stèles à la mémoire des harkis reconnaissant de fait leur esprit patriotique. Des signes qui renseignent sur la volonté de la France à étouffer dans l'oeuf un passé très pénible à exhumer. Pourtant, des pans entiers de la société de l'Hexagone veulent que ce qui a été fait soit admis. Un voeu exprimé publiquement par les tortionnaires eux-mêmes. Il convient de rappeler dans ce contexte les aveux du général Aussaresses qui était allé confesser sans retenue aucune et dévoiler son passé de tortionnaire. C'est ce qu'a fait également le général Bigeard à la suite d'une série de sorties médiatiques. Documents et témoignages à l'appui, les deux «bourreaux» ont relaté des scènes aussi horribles et condamnables que celles ayant eu lieu en Irak. La réaction timide de la France à ce chapelet de révélations fracassantes a laissé suggérer que ces actes ont été pris pour «une mission accomplie». Ce qui lui a été, d'ailleurs, reproché par tous les témoins de telles pratiques. En faisant ainsi le dos rond à une vérité historique crûment reflétée, la France diminuera éloquemment le crédit de sa dénonciation vis-à-vis des atrocités perpétrées en Irak. Car, dire qu'elle est pour le respect des droits humains sans exclusive n'est point compatible avec son mutisme méprisant par rapport à la réalité de la révolution algérienne.