Sticker à l'éffigie de Jean Sénac signé Mourad Krinah Une belle semaine en perspective qui commencera aujourd'hui et qui, souhaitons-le, saura enfin réhabiliter la voix de cet homme qui a su, plus qu'aucun autre, porter l'Algérie à bras-le-corps. Il était temps qu'on le rappelle à notre mémoire. Ce n'est que rendre grâce et dire merci pour cet homme martyr de l'Algérie, oublié et maudit de nos livres d'histoire. Son oeuvre originale, son parcours atypique, ses quêtes identitaires, ses rapports tourmentés avec son «algérianité» en font un symbole au-delà de l'histoire. Ce sont tous ces thèmes qui seront exposés à l'Institut français durant cette semaine dédiée à la poésie et ce, à travers un riche programme dont une table ronde (le 10 avril à partir de 17h) qui regroupera les universitaires spécialistes Hamid Nacer Khodja et Camille Tchéro, l'ecrivain le dramaturge René de Ceccaty, mais aussi le plasticien Mourad Krinah qui a consacré un très bon travail autour de la figure de Jean Sénac. Son «intervention plastique» qui sera visible à partir d'aujourd'hui dans les jardins public de l'IFA s'institue «L'heure est venue pour vous...». Interrogé sur son travail, Mourad Krinah fera remarquer d'abord avoir entamé l'année dernière un travail de réflexion plastique autour de Sénac à l'occasion du 40e anniversaire de sa disparition. Aussi, explique-t-il les étapes de sa démarche: «L'intervention consiste en trois parties: la première est une série d'images (9) en grand format, que j'avais développées l'année dernière et qui forment une sorte de collage entre l'image du poète, ses textes, ses correspondances, etc. La seconde partie est une installation sonore qui utilise sa voix, ses poèmes ainsi que des ambiances sonores et enfin la 3e partie est une série de photographies qui consistent en une sorte d'archive documentaire de l'intervention urbaine que j'ai accomplie cette année qui se traduit par un collage sauvage de stickers dans la ville...» En somme, une réflexion visiblement développée de façon très intéressante et riche en terme plastique... à ne pas rater aujourd'hui en tout cas. Le choix de l'espace public n'est pas fortuit pour notre artiste. Encore moins le choix de ces stikers qui seront collés ça et là et où l'on distingue la figure de Jean Sénac sans yeux, mais juste flanqué sur sa face, la date de sa mort (1973). «Est-ce une ultime tentative d'attirer les Algériens sur Sénac?» lui avons-nous demandé. Et Mourad Krinah de répondre: «Il s'agit de pousser déjà les gens à vouloir savoir qui est ce personnage, j'ai pensé à créer une sorte d'icône anonyme et mystérieuse. La seule indication est justement l'année de sa mort. On peut dire que c'est un peu l'image du «visionnaire» aveuglé...» Très belle phrase en effet qui traduit l'effacement de ce personnage et son reniement même identitaire en Algérie et que l'artiste a tenté de questionner... Ainsi, solliciter cet homme et par delà, pousser les gens à s'interroger sur son héritage intellectuel c'est le moins que l'on puisse dire est une belle façon de réhabiliter ce poète, ami de l'Algérie, en lui redonnant toutes ses lettres de noblesse et sa place qu'il mérite. Mais Pourquoi précisément Jean Sénac? avons-nous demandé encore à Mourad Krinah: «Quand j'ai découvert Sénac, j'ai été pris par un sentiment d'injustice envers ce personnage qui a tout donné à l'Algérie et qui n'a jamais été accepté par l'Algérie officielle. A l'approche de l'anniversaire de sa disparition, je me suis penché sur sa biographie et ses écrits et cela a abouti à tout ce travail dont la création de la page L'Année underground Sénac sur Facebook et qui a réuni tous les amoureux du poète...». Notons que le 11 avril prochain, Mourad Krinah procédera à une présentation (une sorte de vernissage) de son travail en présence de tous les participants au Printemps des Poètes. Outre cette installation qui sera assurément très belle, la semaine dédiée à Jean Séanc comportera aussi un atelier lecture scénique proposé par le metteur en scène Jean-Paul Delore et l'Université Blida 2 et pour poursuivre ce qui est devenue une tradition du Printemps, une Carte blanche aux Editions Bernard Doucey en compagnie de l'éditeur, Aurelia Lassaque et Michel Baglin. Ainsi donc, un spectacle poétique et musical, issu de l'atelier de lecture scénique animé par Jean-Paul Delore se tiendra le mercredi 9 avril à l'Université Blida 2, un autre récital poétique animé par Bruno Doucey, Aurélia Lassaque et Michel Baglin se tiendra le samedi 12 avril à 15h à la Galerie Benyaa (le même sera donné le jeudi 10 avril à 14h au grand amphithéâtre de l'Université Blida 2) et enfin, et pour terminer en beauté cette édition, l'artiste excentrique Sapho proposera au public de l'Institut une lecture savamment appelé Poésie Guerre Words y Plato le samedi 12 avril à 18h30 ainsi qu'un concert de clôture baptisé Velours sous la Terre à partir de 19h30, toujours au même endroit. Gageons que cette édition dédiée à Jean Sénac, mort dans des conditions mystérieuses à Alger, il y a 41 ans, saura rassembler tous les amoureux de la poésie afin de faire (re) connaître haut et fort la voix de cet homme atypique, mais éternellement libre qui a su plus qu'aucun porter l'Algérie à-bras-le corps en vouant sa vie à l'amour des mots, de l'Autre...