Ce qui est curieux, c'est de reprocher à Ahmed Ouyahia sa fermeté par rapport au dossier de l'ex-FIS. Qui aurait cru qu'un jour Ahmed Ouyahia troquerait la casquette d'éradicateur contre celle de réconciliateur, au point de contracter une alliance stratégique avec un parti islamiste? Aussi, comment, l'actuel chef du gouvernement s'est-il métamorphosé, lui qui, il y a quelques années, notamment à l'époque où il était conseiller du président Liamine Zeroual, était hostile à toute réconciliation. Une période connue pour être celle du tout sécuritaire et où les appels à la résistance se multipliaient. Ses alliés stratégiques d'hier ne sont plus ceux d'aujourd'hui. La création des groupes de légitime défense au milieu de la dernière décennie par les Zidane El Makhfi, Slimane El Ghoul, Sellami...et autres, a été saluée et soutenue par le secrétaire général du RND et des partis de la mouvance démocratique à l'image du RCD. Ahmed Ouyahia avait même opéré une véritable purge au sein du parti, notamment contre ceux qu'il suspectait de vouloir faire basculer le parti dans le camp réconciliateur. Pourtant, c'est bel et bien Ouyahia qui, en 1997, avait décrété la loi sur la tragédie nationale, soulevant un tollé général au sein des familles des victimes du terrorisme et des partis démocrates. Comme c'est lui qui avait eu le courage d'opérer des ponctions sur salaires, tout en assumant publiquement cette mesure qualifiée, alors, d'«impopulaire» par ses adversaires. Reprocher donc aujourd'hui à Ahmed Ouyahia de naviguer à contre-courant de la démarche réconciliatrice du président de la République, serait méconnaître la nature de ce commis de l'Etat prêt à assumer les «sales besognes» quitte à mettre sa renommée en jeu. Un bon encaisseur, rompu à l'art de la rhétorique, ce qui lui a valu la reconnaissance des médias et de ses adversaires politiques. A la guerre comme à la guerre, Ahmed Ouyahia qui, il y a quelques années, avait refusé de s'exprimer en kabyle sur les ondes de la chaîne II de la Radio nationale, a été ces derniers temps l'un des rares responsables politiques à s'adresser au peuple algérien en tamazight. L'objectif étant de désamorcer coûte que coûte la crise de Kabylie. Il s'est même permis, lors de la conférence de presse tenue la veille de l'élection présidentielle du 8 avril dernier, de faire savoir à un confrère qui lui demandait de traduire ses propos (il s'exprimait en kabyle) qu'«on ne traduit pas une langue nationale». Ce qui est d'autant curieux dans certaines analyses, c'est de reprocher à Ahmed Ouyahia sa fermeté par rapport au dossier de l'ex-FIS, en déclarant à l'APN que ce dossier était définitivement clos. Ce qui s'inscrit en droite ligne avec la démarche du président de la République qui, dès son premier mandat, avait clairement déclaré que la justice avait tranché la problématique du FIS avant même qu'il n'arrive au pouvoir. Ce qui est aberrant c'est le fait que ce sont les mêmes mouvances politiques et leurs relais médiatiques qui étaient les défenseurs acharnés de l'interdiction du parti d'Ali Benhadj qui, aujourd'hui accusent Ouyahia de tout faire pour entraver le retour de cette formation politique. Comme s'il était dans l'intention du chef de l'Etat de réhabiliter cette dernière. Par ailleurs en affirmant que la réconciliation nationale, un concept purement philosophique, n'a pas besoin d'une loi, Ahmed Ouyahia voulait exprimer l'idée que cette démarche ne se décrète pas. Un principe qui s'applique aussi bien à la solidarité nationale qui n'a pas besoin d'un département ministériel pour être promue.