Ce cinéaste de génie s'en est allé Le réalisateur du documentaire Sugar Man, couronné par un Oscar en 2013, est décédé mardi dernier dans la région de Stockholm à l'âge de 36 ans, a annoncé la police suédoise. Le chagrin a visiblement eu raison du talent de Malik Bendjelloul. Ce cinéaste de génie s'est suicidé, mardi dernier à Stockholm, âgé seulement de 36 ans, a annoncé son frère à la presse hier: «Je peux confirmer qu'il s'agit d'un suicide et qu'il était déprimé depuis quelque temps», a confié Johar Bendjelloul au quotidien Aftonbladet. Il a ajouté: «La vie n'est pas toujours facile. Je suis resté auprès de lui tout le temps jusqu'à la fin», a poursuivi M.Bendjelloul, journaliste à la radio publique suédoise, Sveriges Radio. «C'est la pire des choses. Je ne sais pas comment gérer cela. Je ne sais pas.» Si les Suédois adoraient Malik, c'est d'abord parce qu'il a été le seul réalisateur depuis Ingmar Bergman en 1983 avec Fanny et Alexander à avoir remporté un oscar à Hollywood. Comme des millions de spectateurs dans le monde, l'Académie avait salué son travail sur le documentaire Sugar Man consacré au musicien de Détroit, Sixto Rodriguez. Né de père algérien et de mère suédoise, il est également le seul cinéaste algérien à obtenir la célèbre statuette américaine, même si le film n'a pas été inscrit au nom de l'Algérie. Son documentaire Sugar Man a été programmé lors de la quatrième édition du Festival du film engagé à Alger, mais le réalisateur n'avait pas pu venir en raison de ses engagements aux Etats-Unis. Sugar Man (Searching for Sugar Man, en anglais), raconte l'enquête de deux journalistes sud-africains pour retrouver la trace de Sixto Rodriguez, un chanteur américain qui connut une carrière éphémère à la fin des années 1960 avant de rapidement tomber dans l'oubli dans son pays mais qui devint sans le savoir une idole pour la jeunesse contestatrice blanche dans l'Afrique du Sud au temps de l'apartheid. Alors qu'ils le croyaient depuis longtemps mort, les deux hommes ont retrouvé le chanteur à Détroit au début des années 1990 et l'ont ramené sur scène pour une tournée triomphale en Afrique du Sud après la fin de l'apartheid. Searching for Sugar Man a reçu l'Oscar du meilleur film documentaire en 2013 et a connu un succès planétaire, qui s'est prolongé par une tournée mondiale de Sixto Rodriguez. Sony Pictures Classic, le distributeur du documentaire, a salué dans un communiqué la mémoire de Malik Bendjelloul. «A l'instar de Rodriguez, Malik était un être entier qui parcourait le monde pour trouver des histoires à raconter», a-t-il dit. «Il ne cherchait ni la célébrité, ni la fortune ni les récompenses même s'il les a toutes obtenues parce beaucoup d'autres ont su reconnaître son talent de conteur». En Suède, Malik Bendjelloul était aussi une figure du petit écran. Petit, il était l'un des acteurs de l'émission pour enfants Ebba & Didrik, réalisé par son oncle Peter Schildt. Après des études en journalisme et en production à Kalmar, il s'était fait remarquer par ses émissions sur la musique pop. Son reportage où il pourchasse le groupe d'électro allemand Kraftwerk dans le monde entier pour décrocher une interview est devenu un classique. Au milieu des années 2000, il était l'un des piliers de Kobra, une émission culte de la chaîne publique suédoise SVT. Ses petits films mash-pop à la Michel Gondry y faisaient merveille. Depuis son oscar, il vivait entre Stockholm et Manhattan où il s'était installé dans une maison délabrée au sud de Harlem avec vue sur Central Park. Il avait trouvé un nouveau sujet aussi émouvant et prometteur que Sugar Man: la vie de Lawrence Anthony, l'homme qui parlait avec les éléphants. Propriétaire d'un parc de safari, ce dernier doit tout à coup récupérer une horde de pachydermes si agressifs qu'ils doivent être tués. Dans sa biographie, Lawrence Araby raconte comment il réussit finalement à s'en faire des amis. Ce personnage hors du commun est décédé d'une crise cardiaque l'an dernier à Johannesburg. À son décès, les éléphants en deuil ont tourné autour de sa maison pendant une journée. Le monde du cinéma et du documentaire ont perdu un de leur génie à la fleur de l'âge et surtout au commencement de sa carrière.