La réhabilitation du théologien de Taghaste fut, selon les pèlerins, l'oeuvre du président Bouteflika. Phénomène nouveau. Jamais une personnalité religieuse, chrétienne de surcroît, n'avait suscité auparavant autant d'intérêt comme le fut le théologien latin et père d'église saint Augustin, sujet, depuis quelques années, à une entreprise de promotion accrue menée par les pouvoirs publics. Il faut dire, à cet effet, que la chape de plomb qui s'est abattue, des décennies durant, sur les figures pourtant phares de notre culture, n'a pas été sans conséquence sur la manière dont l'identité nationale à été réfléchie. Au lendemain de son élection, en 1999, le président Bouteflika avait, rappelle-t-on, provoqué la levée de boucliers en présidant, en 2000, le colloque international sur la vie du pontife chrétien. Une initiative qualifiée de «déclic» par les participants. Même les islamistes, pris de court, mais avaient à leur corps défendant, affiché un profil bas qui illustrait l'embarras dans lequel ils se sont honteusement calfeutrés. Chemin faisant, l'idée a commencé depuis, à germer dans les esprits et les contours d'une nouvelle vision à la fois culturelle et historique, ont pris forme. De ce contexte nouveau, marqué notamment par l'usure du discours extrémiste au profit d'une «réconciliation nationale» que Bouteflika, après cinq de mandature, a réussi enfin à inculquer dans l'esprit des masses sociales et politiques, s'est dégagé le concept du tourisme religieux. Le coup de starter a été donné au lendemain du colloque, par une agence de voyage italo-tunisienne Tunis Aurea, dont, outre la vocation touristique, cette dernière s'est engagée pleinement en mettant en chantier, au profit des adeptes de Saint-Augustin mais aussi pour les touristes, nationaux et étrangers, le parcours géographique de saint Augustin. «Les gens sont de plus en plus nombreux à venir visiter les lieux [écoles, monastères, églises...] fréquentés par le théologien», déclare Pier G. Magliano, responsable de l'agence, pour qui l'Algérie recèle des potentialités culturelles d'autant plus importantes qu'elles constituent, dans la mesure d'une politique de promotion efficace, de véritables leviers pour remettre en selle l'activité touristique et renouer avec un passé glorieux. Le retour progressif de la paix aidant, la région (Annaba, Souk-Ahras et M'Daourouch) a, en trois ans (2001-2004), accueilli 35 groupes de visiteurs, dont des Américains, Italiens, Espagnols, Suisses... «Pour les adeptes augustiniens, le déplacement au pays de saint Augustin tient beaucoup plus à une motivation spirituelle qu'à du tourisme au sens classique du mot» explique, encore M.G.Magliano qui annonce, pour le mois de septembre, la venue de l'ordre augustinien conduit par l'ambassadeur du Vatican à Alger Monseigneur Kassujja. Pour l'année 2005, notre interlocuteur prévoit l'encadrement de 150 groupes dont une équipe de chercheurs américains. Le déplacement de cette dernière composée d'experts et d'archéologues dans le cadre de la restauration de l'itinéraire intégral du père chrétien. Le nombre croissant des visites de touristes pieux, est annonciateur, selon notre interlocuteur, d'une ère nouvelle dans les relations de l'Algérie avec ses partenaires étrangers. Ces derniers, motivés par l'ouverture «effective» qui a marqué le discours politique depuis l'investiture de Bouteflika à la tête de la magistrature suprême et encouragés par les facilités administratives accordées par le ministère du Tourisme, s'apprêtent, selon notre interlocuteur, à intensifier, dans divers cadres, les voyages en Algérie. Il est vrai que la personnalité de saint Augustin fut à l'origine de cette ruée mais ne saurait, à elle seule l'expliquer du moment, qu'outre le théologien de Taghaste, d'autres hommes et femmes aussi réputés, ont, dans un passé lointain, élu domicile en Algérie, terre de paix et de civilisation.