«A l'heure actuelle, dans notre pays, une femme qui écrit vaut son pesant de poudre», disait Kateb Yacine. A la lumière de cette citation, le livre de Kheira Sid Larbi-Attouche, paru aux éditions ENAG, serait une véritable poudrière. Boum! Notre consoeur a, en effet, entrepris de dresser les portraits de vingt et une femmes écrivains. De Ahlam Mosteghanemi à Leïla Hamoutene, en passant par Malika Mokaddem et Anissa Boumédiene, l'univers féminin se décline au gré des propos, des parcours et des prises de position de cette élite. Féminines mais aussi et surtout combatives et déterminées, à en faire jaser plus d'un de ceux qui ne voient en la femme que sa plus simple et archaïque expression, les sujets de Kheira Sid Larbi n'ont pas toujours la langue dans la poche. L'auteur ne table pas pour autant sur la guerre des sexes mais propose en premier de sonder les rapports qu'entretiennent ces femmes avec l'écriture et la création littéraire. On sort alors des thématiques galvaudées, qui font des femmes les victimes d'une société qui n'est pas encore capable de se réconcilier avec elle-même. L'auteur consacre son recueil à l'exercice rédactionnel de ces femmes. Un acte qui ne peut, toutefois, échapper à cette connotation du combat et de la lutte. Etre femme écrivain, c'est aussi porter en soi et dans ses écrits les consciences et les paroles des autres. Les écrits sont ainsi souvent amers et, s'ils ne sont pas plaintifs, versent dans la dénonciation. Vingt et une clefs pour comprendre la littérature féminine en Algérie, c'est aussi autant d'angles pour définir l'univers féminin du pays. Avec, dans le coeur, cet idéal de l'émancipation et de l'implication effective dans les différents choix qui régiraient leurs vies, nos écrivaines racontent des histoires de femmes de mères et de soeurs qui subissent le diktat du mâle et d'une société à rebours, sans en intenter le procès. Les images qu'elles nous servent dans leurs récits, réels ou imaginaires, sont l'expression d'une vision en retrait, plus aptes peut-être à disséquer les contradictions des normes. L'écriture est, aussi, une manière de dire les choses qui ne sont pas spécialement appréciées par tout le monde, sans s'attirer les foudres primaires. Ce pouvoir, les femmes en usent pour le bien d'une communauté qui, parfois, ne partage pas les mêmes ambitions. Christine Achour, une des clefs que nous propose le livre, membre de l'association «Aïcha» regroupant des universitaires qui s'intéressent particulièrement au monde littéraire féminin, le définit dans un entretien. Existe-t-il une spécificité à l'écriture des femmes? A cette question, les avis sont partagés entre ceux qui rejettent cette notion de la différenciation et ceux qui ont prouvé qu'il existait en quelque sorte un ghetto littéraire propre aux femmes. Si les points de vue diffèrent, il reste que l'écrit au féminin est de plus en plus ancré dans le paysage littéraire algérien et réussit même à s'exporter. Une belle revanche pour ces femmes qui n'ont pas fini de lutter.