Plus l'échéance du 30 juin se rapproche, plus les attentats se multiplient. Le pays n'en finit pas de compter ses morts au moment où l'échéance du 30 juin ouvre les vannes de la violence qui n'a jamais été aussi meurtrière qu'elle l'est depuis ces deux derniers mois. Jeudi, deux attentats suicide devant des centres de recrutement de la nouvelle armée irakienne ont fait quarante et un mort et plus de 160 blessés. C'est peu de dire que les autorités intérimaires irakiennes sont confrontées à un challenge difficile, d'autant plus ardu qu'elles ne disposent ni des moyens susceptibles de leur permettre de circonscrire la violence ni, et c'est sans doute le plus important, du soutien et de la confiance de la population et des forces sociales et politiques irakiennes. En fait, le nouveau gouvernement intérimaire est plus perçu comme un sous-traitant des Etats-Unis que comme un cabinet capable de rendre sa souveraineté au pays. Aussi, face à l'impasse sécuritaire, les autorités intérimaires irakiennes envisagent sérieusement de recourir à des lois d'exception pour venir à bout, du moins, faire baisser la violence qui met à mal les structures du pays. C'est ainsi que le ministre de la Justice du gouvernement intérimaire, Malek Dohane Al-Hassan, a mis sur le tapis la possibilité d'avoir recours à des lois dérogatoires en déclarant : «L'idée d'imposer des lois d'exception est à l'étude» affirmant que «rien ne pouvait l'empêcher du point de vue légal», arguant pour ce faire que, si la Constitution provisoire ne fait aucune mention d'une telle loi, elle ne «l'interdit pas non plus» insiste-t-il, faisant valoir que «la loi d'urgence» sous l'ancien régime de Saddam Hussein, «(...) n'a pas été abrogée et qui prévoit des mesures d'exception et en fixe le cadre pour ne pas violer les droit des individus». Les lois coercitives de Saddam Hussein au secours du gouvernement intérimaire pro-américain? Faisant allusion aux lois sous le régime baassiste, Dohane Al-Hassan indique «Lorsque la Constitution ne prévoit pas de lois d'exception, on peut recourir à la loi spéciale» en cours sous l'ancien régime. Il est vrai que depuis près de trois mois, les attentats, les attaques et autres affrontements armés ont rendu la situation imprévisible donnant lieu aux prémices d'une guerre civile eu égard à la multiplication des agressions interethniques. Un souci de plus pour un gouvernement intérimaire qui, à une douzaine de jours du transfert de souveraineté, n'arrive pas à se positionner sur l'échiquier politique irakien ni à avoir du crédit, nombreux étant les Irakiens qui ne voient dans le cabinet du président Ghazi Ajil Al-Yaouar et du Premier ministre, Iyad Allaoui, que l'ombre portée de l'occupant américain. En fait, la situation en Irak n'en finit pas de se détériorer à l'approche du grand tournant du 30 juin devant, théoriquement, redonner sa liberté à l'Irak. Il semble en fait qu'il n'en sera rien et que le véritable pouvoir dans l'Irak post-coalition, qui sera dissoute à cette même date, sera détenu par la nouvelle ambassade américaine, forte de plus de 1700 fonctionnaires, (qui font d'elle la plus grande ambassade dans le monde) sous la direction du nouveau pro-consul américain, l'actuel ambassadeur des Etats-Unis auprès de l'ONU, John Negroponte lequel, dans des propos lénifiants affirmait hier que «L'Irak n'est pas un pays totalement en faillite». Les Irakiens seront sans doute heureux de l'entendre dire. Toutefois, aux Etats-Unis c'est le rapport de la commission d'enquête sur l'existence d'attache entre l'Irak et l'organisation de Ben Laden qui affirme qu'il n'existe aucun lien entre Saddam Hussein et Al Qaïda qui fait la une de la presse ce jeudi. Ainsi, le New York Time titrait-il «La commission ne trouve pas de lien Al Qaïda/Irak». Ce qui produisit la colère du vice-président Dick Cheney, qui tout en indiquant que «Ce que le New York Time a fait aujourd'hui est scandaleux» Il affirme ainsi qu'il y avait «des liens entre l'Irak et Al Qaïda», reconnaissant dans le même temps «Nous n'avons jamais été capables de prouver qu'il y avait une connexion». Un peu compliqué tout cela. Les Américains ont une conviction, mais manquent de preuves, comme pour l'affaire des armes de destruction massive irakiennes, ADM, que tout les spécialistes estiment qu'elles n'ont jamais existé, si ce n'est dans l'imagination de stratèges américains qui ont décidé et organisé la guerre contre l'Irak.