"Outrés" et "traumatisés", imams, recteurs et musulmans anonymes condamnent vivement en France l'exécution en Algérie de l'otage français Hervé Gourdel par des jihadistes, mais s'agacent d'avoir été sommés de réagir par des politiques et intellectuels critiques envers l'islam. "Ceux qui ont fait ça sont des animaux sauvages", dénonce sans ambages Chagour Khaouther, qui enseigne l'arabe en banlieue parisienne. "Je ne peux pas accepter qu'ils disent faire ce genre d'action au nom de l'islam". Comme elle, plusieurs musulmans croisés à Bobigny (banlieue parisienne) semblent soulagés de pouvoir confier leur effroi. "Ce ne sont même pas des musulmans", estime ainsi Célia Delgado, une convertie de 22 ans. "Les musulmans et leurs amis" devaient se rassembler vendredi devant la Grande mosquée de Paris pour dénoncer les "terroristes qui, au nom d'une idéologie mortifère, pervertissent l'islam", à l'appel de l'instance représentant la première communauté musulmane d'Europe (5 millions de personnes), le Conseil français du culte musulman (CFCM). Des personnalités musulmanes signaient une tribune dans le quotidien Le Figaro (droite) de vendredi proclamant leur solidarité avec les victimes du groupe Etat islamique (EI) et affirmant en réponse aux menaces jihadistes: "nous sommes aussi de +sales Français+". EI avait lancé lundi un appel aux musulmans à tuer "les méchants et sales Français", deux jours avant que l'otage français Hervé Gourdel ne soit décapité en Algérie par un groupe jihadiste. Parmi les signataires de la tribune du Figaro figurent le recteur de la mosquée de Lyon (sud-est), Kamel Kabtane, le directeur de la publication de l'hebdomadaire Jeune Afrique, Marwane Ben Yahmed, ou encore la sénatrice socialiste Bariza Khiari. "A un moment on se dit: il faut qu'on réagisse", explique la sénatrice de Paris dans Libération (gauche). Toutes les branches de l'islam de France - de l'UOIF, proche des Frères musulmans, à l'Union des mosquées de France (UMF), de sensibilité marocaine - "refusent d'être associées" à ces crimes. Sur twitter, le mot-clé îPasEnMonNom, déclinaison d'une campagne britannique, a suscité une multitude de messages similaires: "Les terroristes ne sont pas des nôtres" ou "J'ai mal à ma religion". "Il y a un mouvement très large", relève une source qui suit les questions musulmanes au ministère de l'Intérieur.