Les lauréats du prix Nobel de la paix Le Nobel de la paix a été attribué vendredi à l'adolescente pakistanaise Malala, rescapée des balles des taliban et à l'Indien Kailash Satyarthi, pour leur combat contre l'exploitation des enfants et pour le droit de ceux-ci à l'éducation, un rempart contre l'extrémisme. De loin, la plus jeune lauréate de l'Histoire Nobel, Malala Yousafzai, était, coïncidence amusante, au lycée quand l'annonce du comité Nobel norvégien est tombée. A 17 ans seulement, elle est devenue l'icône mondiale du droit des filles à l'enseignement. «Avec son courage et sa détermination, Malala révèle ce que les terroristes redoutent le plus: une fille en possession d'un livre», a estimé le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon. «Par le simple fait d'aller à l'école, (elle) est devenue un professeur mondial». Son engagement a bien failli lui coûter la vie quand des taliban ont tenté de l'assassiner il y a deux ans, presque jour pour jour. Moins connu du grand public et nettement plus âgé (60 ans), Kailash Satyarthi porte secours aux enfants et aux femmes réduits à l'état d'esclaves dans les usines indiennes où ils travaillent dans des conditions atroces. «Cela va aider à accroître la visibilité de la cause des enfants qui sont les plus délaissés», a-t-il réagi dans un entretien téléphonique publié sur le site Nobel. «L'esclavage des enfants existe encore», a-t-il déploré. L'organisation qu'il a fondée en 1980, Bachpan Bachao Andolan («Mouvement pour sauver l'enfance»), se targue d'avoir elle-même libéré près de 80.000 enfants travailleurs. «Les enfants doivent aller à l'école et ne pas être financièrement exploités», a lancé le président du comité Nobel, Thorbjoern Jagland, en annonçant le prix. Selon des estimations citées par M.Jagland, la planète compte encore quelque 168 millions d'enfants travailleurs, 78 millions de moins qu'en 2000. «Le monde s'approche du but qui vise à éliminer le travail des enfants», a-t-il estimé. Le choix du comité Nobel prend un relief particulier à la lumière de l'enlèvement le 14 avril dernier au Nigeria de 276 lycéennes par le mouvement islamiste Boko Haram, dont le nom signifie «L'éducation occidentale est un péché». L'épisode a choqué la planète et déclenché le vaste mouvement de mobilisation «Bring back our girls» («Ramenez nos filles»). Jeune mais pugnace - «La fierté du Pakistan» selon le Premier ministre Nawaz Sharif, Malala est consacrée au lendemain d'un anniversaire lugubre. Le 9 octobre 2012, des taliban pakistanais avaient intercepté son car scolaire dans la vallée du Swat et lui avaient tiré une balle dans la tête, l'accusant de porter atteinte à l'islam. Opérée dans son pays puis transférée en Grande-Bretagne où elle vit désormais, la jeune fille a refusé de se laisser intimider et multiplié les appels pour l'éducation et la tolérance. «Menons le combat contre l'analphabétisme, la pauvreté et le terrorisme, nos livres et nos crayons sont nos meilleures armes», a-t-elle déclaré de sa voix ferme l'an dernier dans un discours très applaudi à l'ONU. Selon les Nations unies, 57 millions d'enfants en âge de fréquenter l'école primaire ne sont pas scolarisés dans le monde, dont 52% de filles. Malala partage le prix et les huit millions de couronnes suédoises (environ 873.000 euros) qui l'accompagnent avec Kailash Satyarthi. Fondateur d'une association qui garantit par son label des salaires équitables et l'interdiction du travail des enfants dans l'industrie du tapis, il a participé à la création de plusieurs mouvements de défense de l'enfance et de la scolarisation. Son activisme a fait valoir le comité Nobel, a toujours pris une forme non-violente dans «la tradition de Gandhi», lequel n'a jamais reçu le Nobel de la paix, une absence criante dans la famille des lauréats Le président François Hollande a salué «l'engagement remarquable» des deux lauréats et rappelé que «les enfants restent les premières victimes des conflits». Lech Walesa, chef historique du syndicat polonais Solidarité et prix Nobel de la paix les a félicités «pour leur combat contre l'oppression des enfants» et le Comité Nobel pour avoir invité le monde à «porter une plus grande attention» aux pays comme l'Inde et le Pakistan. La Pakistanaise et l'Indien forment un duo symbolique non seulement par leur différence d'âge et de sexe mais aussi à la lumière des tensions géopolitiques entre leurs deux pays. Le prix leur sera remis à Oslo le 10 décembre, date-anniversaire de la mort de son fondateur, l'industriel et philanthrope suédois Alfred Nobel.