Ils visent à «donner l'avantage à la police» en cas de «violences généralisées», a justifié le vice-Premier ministre, Bülent Arinç. Le gouvernement islamo-conservateur turc a présenté hier un projet de loi qui renforce les pouvoirs de ses forces de sécurité après les récentes émeutes prokurdes causées dans le pays par sa politique vis-à-vis de la Syrie, qui ont fait plus de 30 morts. Baptisé «réforme de la sécurité intérieure», ce texte a été déposé devant le Parlement par deux députés du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir et doit être discuté à partir de la semaine prochaine, a-t-on appris de source parlementaire. Il vise à «donner l'avantage à la police» en cas de «violences généralisées», a justifié le vice-Premier ministre Bülent Arinç. Selon les médias turcs, ce projet étend le droit des forces de sécurité à recourir aux perquisitions, saisies et autres écoutes téléphoniques dans leurs enquêtes visant des «organisations armées», ainsi que celui d'interdire l'accès, sur avis du parquet ou d'un juge, aux personnes mises en cause dans ces dossiers. Le texte prévoit en outre une aggravation des peines encourues par les auteurs de dégradations de biens publics ou les manifestants qui dissimulent leurs visages. La semaine dernière, des milliers de jeunes kurdes sont descendus dans les rues de tout le pays pour dénoncer le refus d'Ankara d'intervenir militairement pour venir en aide aux combattants kurdes qui défendent la ville syrienne de Kobané (Aïn al-Arab), assiégée par les jihadistes du groupe Etat islamique (EI). Ces émeutes ont fait au moins 34 morts, plusieurs centaines de blessés et causé de très importants dégâts matériels. La police a procédé à plus d'un millier d'interpellations. Le président turc Recep Tayyip Erdogan et son Premier ministre Ahmet Davutoglu ont promis ces derniers jours de sévir contre les «vandales» à l'origine de ces violences. «Nous achèterons cinq ou dix Toma (l'acronyme turc des canons à eau blindés de la police) pour chaque Toma qu'ils détruiront», a déclaré mardi M. Davutoglu. Les députés de l'opposition ont violemment critiqué le projet de loi. «A partir de maintenant, la police ne va plus se contenter d'utiliser des boucliers mais aussi des armes à feu, avec le droit de tuer (...) c'est mettre de l'huile sur le feu», a déploré le député Idris Baluken, membre du Parti démocratique populaire (HDP, prokurde) à l'origine des manifestations de la semaine dernière. «La police va pouvoir faire ce qu'elle veut, comme si la loi martiale était imposée», a renchéri son collègue Özcan Yeniceri, du Parti de la action nationaliste (MHP, droite), «la Turquie va devenir un Etat policier». Le vice-Premier ministre Numan Kurtulmus a balayé ces griefs. «Après avoir pris tant de mesures depuis des années pour améliorer la démocratie, la Turquie ne peut plus redevenir l'Etat policier qu'elle était», a-t-il assuré. Ankara a été récemment épinglé par les ONG et dans les capitales étrangères pour la répression violente de nombreuses manifestations, notamment pendant la fronde antigouvernementale de juin 2013.