Dilma Rousseff et son challenger, le social-démocrate, Aecio Neves (premier plan), un poste de président en jeu Près de 143 millions de Brésiliens ont voté hier pour le deuxième tour de l'élection présidentielle, entre la sortante Dilma Rousseff, légèrement favorite et l'opposant social-démocrate Aecio Neves. Cette élection est considérée comme un plébiscite sur 12 ans de gouvernements du Parti des travailleurs (PT), sous lesquels le géant émergent d'Amérique latine a connu de grands bouleversements économiques et sociaux. Les Brésiliens sont partagés entre partisans de la continuité de ces conquêtes sociales et ceux d'une alternance pour relancer l'économie en panne du Brésil. Selon deux sondages publiés samedi par les Instituts Datafolha et Ibope, Mme Rousseff aurait de quatre points (un écart compris dans la marge d'erreur de +/-2%) à six points d'avance sur M.Neves. Elle a été la première des deux candidats à voter à 10H45 GMT dans une école de Porto Alegre (sud) où elle a effectué une grande partie de sa carrière, avant de regagner en avion la capitale Brasilia - à plus de 2.000 km - où elle suivra le dépouillement du scrutin. Elle a posé tout sourire pour les photographes avec une tasse de thé de mate (boisson typique de la région), à la main. «Je suis sûre que le Brésil est, et continuera d'être, l'une des plus grandes nations démocratiques de cette planète. Je pense que cela a été une campagne extrêmement différente, pleine de changements. Nous avons eu malheureusement un décès (Ndlr: celui du candidat socialiste Eduardo Campos dans un accident d'avion en août), pendant la campagne et elle a connu des rebondissements», avait-elle dit peu avant à la presse. Elue en 2010 dans l'euphorie finissante de l'âge d'or de la présidence de son mentor Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), l'ex-guérillera Dilma Rousseff, 66 ans, avait hérité d'une croissance à 7,5%. La première femme présidente du plus grand pays d'Amérique latine a amplifié les programmes sociaux qui bénéficient à un quart des 202 millions de Brésiliens, lui valant un large soutien dans les couches populaires et régions pauvres du Nord-Est. Sous le PT, 40 millions de Brésiliens se sont extirpés de la pauvreté. Mais Dilma Rousseff a affronté des vents adverses: économie en plein ralentissement, revendications d'une classe moyenne dont l'ascenseur social est tombé en panne, scandales de corruption qui ont terni l'image du PT. Le candidat du Parti social démocrate brésilien (PSDB), Aecio Neves, 54 ans, soutenu par les milieux d'affaires, la droite traditionnelle et une partie de la classe moyenne, promet de remettre de l'ordre dans la maison Brésil. Rigueur budgétaire, diminution du rôle des banques publiques, autonomie de la banque centrale: l'ancien gouverneur de l'Etat de Minas à la réputation de jet-setteur promet un «choc de gestion» pour regagner la confiance des investisseurs et relancer la croissance. Surfant sur l'indignation des Brésiliens, il a fait de la lutte contre la corruption l'un des axes de sa campagne, même si le PSDB, qui a dirigé le Brésil de 1995 à 2002, a lui-même été dans le passé éclaboussé par de nombreuses affaires. «Il existe une façon d'en finir avec la corruption. C'est de retirer le PT du pouvoir», a-t-il lancé vendredi soir lors du dernier débat de la campagne, suivi sur TV Globo par des dizaines de millions de téléspectateurs. Sao Paulo, Rio, Minas Gerais: la victoire finale se jouera au sein des classes moyennes divisées des Etats les plus peuplés du sud-est industrialisé, où de nombreux déçus de la gauche avaient voté au premier tour pour l'atypique écologiste Marina Silva. Les mégapoles de Sao Paulo, Rio de Janeiro et Belo Horizonte avaient été à l'épicentre de la fronde sociale historique de juin 2013 contre l'indigence des services publiques, les milliards engloutis dans les stades du Mondial-2014 et la corruption politique. Aecio Neves était donné largement favori dans ces régions depuis le premier tour. Mais Dilma Rousseff y a regagné beaucoup de terrain ces derniers jours, au prix d'une campagne offensive contre Aecio Neves. Les Brésiliens vont élire aussi les gouverneurs de 14 des 27 Etats fédérés restés en ballottage et notamment ceux de Sao Paulo, Rio de Janeiro et du District fédéral (Brasilia).