Marine Le Pen montre la voie Nous sommes ainsi loin du temps où, au seul nom du FN, la démocratie tirait ses couteaux, retroussait les manches et se mettait à courir les rues de l'Hexagone pour mobiliser les citoyens. Marine Le Pen présidentiable. C'est le constat partagé depuis quelque temps par les médias et les analystes en France. A ceci est venu s'ajouter, ces derniers jours, une première «presque certitude» qui consiste à dire que le FN serait présent au second tour, puis une seconde qui veut que Le Pen ait des chances de l'emporter. La fille de Jean-Marie Le Pen n'a, en tout cas, pas raté l'occasion de le dire ouvertement en donnant à ses militants, dans l'un de ses derniers discours, rendez-vous à... l'Elysée! Nous sommes ainsi loin du temps où, au seul nom du FN, la démocratie tirait ses couteaux, retroussait les manches et se mettait à courir les rues de l'Hexagone pour mobiliser les citoyens. Le FN paraît désormais comestible en ces temps de crise multidimensionnelle qui traverse la France. Marianne, comme tout le reste, s'accommode aux évolutions, dussent-elles être de mauvais goût pour elle, voire contraires à ses idéaux. Au fait, pourquoi est-ce que l'arrivée du FN au pouvoir a toujours donné l'impression de déranger la démocratie en France? Pourquoi gauche et droite se sont souvent unies, ne serait-ce que par le report des voix, pour barrer la route à Le Pen? La question est intéressante à plus d'un titre, surtout qu'elle n'a aucune réponse valable! Lorsqu'on dit être pour la démocratie, c'est non seulement accepter de recourir à l'urne pour le choix des hommes mais aussi - et surtout - accepter le choix qui sort de ces urnes qui doit, en principe être celui de la majorité. S'unir comme on a déjà vu en 2002 pour rendre le candidat du FN (Le Pen père à l'époque) minoritaire par la création d'une majorité fictive, sans fiabilité car non fidèle à la réalité, est une manoeuvre qui ne vise rien d'autre qu'à bâillonner la démocratie pour l'empêcher de s'exprimer librement. Lorsque la gauche, qui n'avait aucun candidat en lice, aida Chirac et la droite à remporter le scrutin en 2002, ce n'était pas seulement une alliance contre nature mais, aussi et surtout, un regroupement contre la démocratie. Certes, on avait inventé à l'époque des slogans pour dédouaner la conscience occidentale, en général, et française en particulier comme le patriotisme, le bien du pays, le bien de l'Europe, mais, soyons sérieux, au nom de quoi un parti peut-il juger de l'opportunité que le pays soit gouverné par un autre parti? Cela ne diffère pas, finalement, de ce qui se passe dans les pays non démocratiques, lorsque le pouvoir organise des alliances pour barrer la route à l'opposition ou lorsqu'il refuse au nom d'on ne sait plus quel sacré principe de donner l'agrément à des partis qui le demandent. Au fond, nous piétinons tous la démocratie, chacun à sa manière mais nous le faisons, tous, quand même! Si telle est la réalité de la démocratie sous le ciel de France, alors pourquoi, cette fois, le FN aurait-il des chances de ne pas faire les frais de la «contrainte au corps» habituelle de cette démocratie? Il semble, selon certains analystes, que la crise qui secoue la France soit à l'origine de ce changement de comportement. Il y a d'abord, le mécontentement des citoyens de la gestion du pays par la gauche de Hollande, ces dernières années, qui les pousserait à chercher ailleurs une éventuelle réponse à leurs aspirations. Mais, pour ce qui est de Hollande en particulier, ses «histoires avec ses femmes» et le brûlot de son ex-compagne ont vite fait de ternir son image chez les électeurs tant de gauche que de droite, ce qui ajoute au malheur des Français dont une partie a fini par se décider, selon les sondages, à tourner le dos à la gauche. Mais pour aller où? La mésentente au sein de la droite, les manoeuvres de bas étage et la lutte des chefs, ajoutées à l'expérience peu flatteuse de Sarkozy, ne laissent qu'un seul choix aux Français, celui d'essayer le troisième parti du pays, le Front national. Le FN serait donc devenu comestible pour les Français et, du coup, il serait possible que la démocratie soit traitée autrement. C'est dire si la démocratie, qui a plusieurs sens, plusieurs mesures, voire plusieurs visages, suit les humeurs du jour. Nous en connaissons un bout de ce côté-ci de l'humanité!