Louise Archambault signe une oeuvre fiction magique, autrement plus troublante et attachante que le dernier film présenté cette année au Festival de Cannes, Momy de Xavier Dolan... Il n'y a pas à dire les Canadiens sont hyper-intelligents car ils savent comment vendre leur culture sans sourciller. En enrobant leur patrimoine dans une histoire rose bonbon, qui se veut familiale et populaire à la fois, en faisant la promotion pour leur patrimoine touristique et musicale, cela passe comme une lettre à la poste. Et dans tout ça, vous n'avez jamais l'impression que ça fait un film carte-postale, car ça marche du tonnerre, c'est le cas du film réalisé par la Canadienne Louise Archambault qui, dans son film Gabrielle signe une oeuvre fiction magique, encore plus que le dernier film présenté cette année au festival de Cannes, Momy de Xavier Dolan, le supplantant même de loin, à notre sens. Car si ce dernier respire la naphtaline ou le côté trop propret, Gabrielle, lui, est un pur produit du cinéma du réel. Un film d'autant plus courageux qu'il met en scène de vrais autistes, trisomiques et d'autres jeunes en défaillance intellectuelle. Une prouesse pour ces gens-là, faisant partie d'une vraie chorale que la réalisatrice saura mettre en lumière magnifiquement bien. Avec mesure et poésie, finesse et émotion. Une chorale qui bossera de façon acharnée pour pouvoir accompagner en fin de parcours l'un des chanteurs nationaux mais néanmoins de renommée internationale du Canada, à savoir, Robert Charlesbois et d'interpréter quelques-uns de ses tubes: Ordinaire et puis sur scène devant des milliers de personne son célèbre tube: Lindberg. C'est justement dans le cadre de cette chorale que deux jeunes gens, Gabrielle et Martin, vont tomber fous amoureux l'un de l'autre. Mais leur entourage ne leur permet pas de vivre cet amour comme ils l'entendent car Gabrielle et Martin ne sont pas tout à fait comme les autres. Déterminés, ils devront affronter les préjugés pour espérer vivre une histoire d'amour qui n'a rien d'ordinaire. Sorti en 2013, le film est inspiré de la comédie romantique L'Autre Soeur réalisée par Garry Marshall en 1999. Il a fallu aussi à la réalisatrice deux à trois ans d'écriture pour achever le scénario. D'ailleurs, la moitié devait se passer en Inde mais elle décidera de le scinder en deux car trop cher. Pourquoi l'Inde? car le mari de la soeur de Gabrielle vit et travaille en Inde. Il n'attendait que l'arrivée de sa femme. Celle- ci trop employée à s'occuper et prendre soin de sa soeur Gabrielle, qui, elle, en veut un peu à sa soeur pour son départ, jusqu'à ce qu'elle veut elle, aussi prendre son autonomie..... les Canadiens, faut croire, aiment les histoires dramatiques à relents psychologiques en triturant les soucis de famille. Ils ne sont pas les seuls pourtant, effectivement. Raconter, ils savent le faire. Et d'une manière tout à fait prodigieuse. Dans Momy il est question aussi d'un jeune inadapté, passionné de Céline Dion. Ici la musique est partie prenante dans le film. Elle est l'élément déclencheur grâce auquel le film existe. La phrase «la musique adoucit les moeurs» prend ici tout son sens. Gabrielle a le syndrome de Williams, autrement elle a la capacité et des dispositions pour la musique et le chant. Elle a l'oreille absolue. Alexandre Landry qui interprète merveilleusement le rôle de Martin est un acteur généreux, au talent incommensurable dont le jeu lui a valu moult prix, a fait savoir la réalisatrice. Celle-ci confiera pendant le débat qu'il se sentait lui aussi handicapé pour sa part car il devait apprendre à chanter, chose qu'il ne maîtrise pas comme Gaby alias Gabrielle Marion-Rivard. «C'était un défi, l'histoire était plus grande que moi. Je n'étais qu'une courroie de transmission.. L'humain m'intéresse et l'ouverture sur l'Autre. J'ai écrit cette histoire après avoir côtoyé justement, dans la piscine où je nageais, une handicapée qui chantait le malaise des autres. Le rythme du film est venu rapidement et la chorale aussi en équation. J'avais rencontré Gabrielle qui savait chanter, Antony et puis Alexandre. La chorale a pris de l'importance. Gabrielle possède une lumière unique. Elle est en plus, photogénique. J'ai passé beaucoup de temps avec elle. Ecrire le scénario m'a demandé beaucoup d'efforts et de recherche. Martin a grandi avec un voisin qui avait aussi le syndrome de Williams donc il savait ce que c'était. Il voyait Gaby de l'intérieur, non pas de l'extérieur et se sentait tout aussi handicapé car lui ne savait pas chanter.. Merci en tout cas de s'ouvrir à ce monde...» achèvera de dire la réalisatrice à l'adresse du public. Un film présenté mardi dernier en compétition fiction dans le cadre du 5ème Festival international dédié au film engagé et qui a reçu véritablement un écho positif parmi le public qui est sorti de la projection fort admiratif. Touché. Un film qui remet en question la notion de normalité chez l'être humain. Hormis le sujet qui prête à intérêt il y a la façon sublime de filmer, auprès des corps et des visages qui interpellent. De plonger au coeur de l'amour, de l'émoi et de la découverte de l'Autre... Nous l'avons dit auparavant, les Canadiens savent faire...Pourvu qu'ils puissent avoir tout l'écho qu'ils méritent dans le monde, tel que souhaité par Xavier Dolan, cette année à Cannes. Un voeu pieu partagé...