Les Etats-Unis, la Russie, la Chine et bien d'autres pays exploitent le gaz de schiste Une annonce en contredit une autre, mais dans cet entonnoir gazier c'est toute la problématique de la gestion des ressources du pays qui est posée. Dans le concert du gaz de schiste, chacun joue son octave. Entre le Premier ministre Abdelmalek Sellal, son ministre des Finances, Mohamed Djellab et le ministre de l'Energie Youcef Yousfi, l'orchestre est désordonné au point d'aboutir à une symphonie décousue. Retour sur un cafouillage gouvernemental. Alors que le mécontentement s'accentuait à In Salah, le ministre de l'Energie, Youcef Yousfi a pris le taureau par les cornes et a osé affronter directement les populations. Il s'est rendu, le 8 janvier dernier, sur les lieux et a tenu un langage sincère, franc et direct dans l'espoir de sensibiliser les citoyens sur cette question du gaz de schiste. «Il s'agit de la sécurité énergétique du pays», a-t-il affirmé, insistant sur «la nécessité d'être solidaire du reste des Algériens et penser aux générations futures, dont l'avenir est entre nos mains». Faisant allusion à la chute des prix du baril, il a rappelé que «aujourd'hui, il y a une bataille mondiale autour de l'énergie et vous connaissez les conséquences négatives sur notre pays». Plus explicite, il ajoute: «Les ressources conventionnelles ne suffisent plus. On n'a pas de gaz. On aimerait trouver six ou sept puits comme Hassi Messaoud, mais on n'en a pas trouvé.» Les contestataires n'ont pas eu le temps de «digérer» convenablement les propos du ministre de l'Energie, que le P-DG de Sonatrach en remet une couche. Saïd Sahnoune a souligné sur les ondes de la Radio Chaîne III que l'exploitation du gaz de schiste est «une décision incontournable». M.Sahnoune explique cette décision par le souci d'accroître, de renforcer et de diversifier la base des réserves d'hydrocarbures du pays «pour assurer, dit-il, l'approvisionnement du marché intérieur sans éroder la valeur de nos exportations». La contestation repart de plus belle et ce n'est pas le message du Premier ministre sur sa page Facebook qui allait faire baisser la tension. Le 16 janvier, M. Sellal a tenté de réajuster le tir. «L'exploitation du gaz de schiste n'est pas du tout à l'ordre du jour du gouvernement algérien», a assuré M.Sellal dans un message posté sur sa page Facebook. «Le gouvernement n'a délivré aucune autorisation du gaz de schiste en Algérie», a-t-il ajouté. Cette tentative de marquer le tempo bute sur une note grave et totalement discordante. Un sortie inattendue du ministre des Finances, Mohammed Djellab, remet en cause toutes les promesses du gouvernement en ce qui concerne les coupes budgétaires. S'exprimant devant la commission des affaires économiques et financières au Conseil de la nation, le ministre des Finances a affirmé que désormais «le citoyen paiera ce qu'il doit payer dans un hôpital public (en contrepartie de ses soins) ou bien son loyer pour le logement public (...). Chacun doit assumer ses responsabilités». Le ministre enfonce le clou dans sa tentative de rassurer quand il dit notamment: «Nous n'allons pas abandonner ces couches (défavorisées), mais nous devons les préparer à l'insertion économique (...). Mais il viendra le jour où nous devrions rationaliser l'intervention sociale du gouvernement.» En d'autres termes, c'est la fin de la médecine gratuite. Qu'en serait-il pour le pain, le lait, l'eau et l'électricité? Et au premier de rebondir dans le cadre d'une émission télévisée, dans la nuit de mercredi dernier, pour encore une fois accorder les violons. «Non, l'Etat ne reviendra pas sur les subventions, les coupes budgétaires ne concerneront que quelques secteurs et l'exploitation du gaz de schiste n'est pas du tout dans l'agenda du gouvernement.» Rassurant, Sellal a-t-il convaincu,? A-t-il été entendu? 24 heures plus tard, un autre ton, une autre mélodie. Le ministre de l'Energie rappelle, sans concession, une réalité, en nous apprenant que l'expérimentation du gaz de schiste n'est pas nouvelle en Algérie. Lors de son audition par la Commission des affaires économiques, du développement, de l'industrie, du commerce et de la planification de l'APN, le ministre a fait savoir sans ambages que la Sonatrach produit du gaz non conventionnel dans le bassin d'Ahnet, depuis presque trois ans. Il a relevé que Sonatrach a même besoin d'utiliser cette technique pour optimiser l'extraction des gisements conventionnels comme celui de Hassi Messaoud, plus grand champ pétrolier du pays, en production depuis 1956. Selon le ministre, 75% des réserves de Hassi Messaoud sont situées dans des roches de schiste imperméables et peu poreuses, nécessitant la fracturation hydraulique pour les extraire. En d'autres termes, il faut également entamer l'exploitation du gaz de schiste à Hassi Messaoud. Une déclaration en contredit une autre, mais dans cet entonnoir gazier c'est toute la problématique de la gestion des ressources du pays qui est posée. Le pétrole est un don de Dieu, pourquoi s'en priver? s'interrogent les partisans du gaz de schiste. Non, c'est une malédiction! répondent les opposants. Ces derniers expliquent qu'en allant vers l'exploitation du gaz non conventionnel, on reproduira les mêmes erreurs de gestion commise, il y a 50 ans. Il faut donc penser à revaloriser d'autres richesses nationales qu'on a abandonnées, telle que l'agriculture, le tourisme, le goût du travail et la valorisation des compétences nationales. Mais là, c'est tout un programme.