Forces armées et milices ont affronté les assaillants de Boko Haram pendant plusieurs heures au cours de combats essentiellement concentrés hier matin à Mulai, à environ 3 km de Maiduguri. L'ancien fief de Boko Haram, Maiduguri, était de nouveau hier la cible d'une offensive du groupe islamiste qui tente de reprendre cette ville stratégique d'un million d'habitants du nord-est nigérian, deux semaines avant l'élection présidentielle. Aux premières heures, de puissantes explosions et des échanges de tirs ont été entendus alors que des hommes de Boko Haram tentaient une percée dans Maiduguri par le sud, ont indiqué des témoins. Des habitants ont déclaré que l'attaque avait été lancée vers 3H00 locales (2H00 GMT), ajoutant que de violents combats étaient en cours au sud de la ville entre combattants islamistes et des troupes nigérianes appuyées par des milices privées, majoritairement composées d'habitants. Cette attaque a cependant été repoussée et les combattants de Boko Haram ont ensuite attaqué à l'est de la ville, où des affrontements étaient en cours en début de matinée, selon plusieurs témoins. «Toute la ville est (plongée) dans la peur (...) les gens ont peur de ce qui va se passer si Boko Haram défait les forces de sécurité», a déclaré un habitant de la ville Le groupe islamiste a déjà tenté de prendre le contrôle de Maiduguri, capitale de l'Etat de Borno et berceau historique de l'insurrection, le 25 janvier, mais son attaque avait été repoussée par l'armée. Le même jour, à environ 130 km au nord, Boko Haram s'était emparé de la ville de Monguno et d'une base militaire, provoquant un nouvel afflux de réfugiés à Maiduguri. Quelque 5000 déplacés, femmes et enfants pour la plupart, sont arrivés lundi dernier dans cette ville. Plusieurs experts avaient récemment déclaré qu'ils redoutaient que Boko Haram, en raison du rythme effréné de ses gains territoriaux dans le nord-est du Nigeria, ne tente de nouveau de lancer une attaque sur Maiduguri avant l'élection présidentielle du 14 février. La chute de Maiduguri aux mains des islamistes représenterait une énorme défaite pour les forces de sécurité, critiquées pour leur gestion depuis six ans de la crise née du soulèvement des islamistes. La prise de la ville risquerait également d'entraîner une catastrophe humanitaire. Signe d'une récente prise de conscience internationale de la menace que représente Boko Haram pour les équilibres régionaux, à Addis-Abeba, où se tenait samedi le sommet de l'Union africaine, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a soutenu l'idée d'une force régionale de l'Union africaine pour lutter contre les islamistes. Le même jour, l'aviation tchadienne lançait une offensive aérienne dans la ville nigériane de Gamboru, tenue par Boko Haram, à la frontière camerounaise. De lourdes menaces pèsent aussi sur la sécurité des élections du 14 février, Boko Haram tenant de vastes territoires de l'extrême nord-est. Des centaines de milliers d'habitants de la région se sont réfugiés dans les pays frontaliers, Tchad, Cameroun et Niger. Le conseiller national à la sécurité du Nigeria, Sambo Dasuki, avait déclaré récemment que les élections devaient être reportées, expliquant notamment que 30 millions de cartes d'électeurs n'avaient toujours pas été distribuées. Mais le président de la Commission électorale nationale indépendante (INEC), Attahiru Jega, qui décide in fine de l'organisation des scrutins, a réaffirmé que le calendrier serait tenu. Le nord-est est considéré comme un bastion de l'opposition, et la crédibilité des élections pourrait être remise en question si des millions d'électeurs sont laissés pour compte. Le principal parti d'opposition du Nigeria, le Congrès progressiste (APC), a rejeté toute idée de report du scrutin, estimant que toute décision pouvant aller dans ce sens ne serait qu'une stratégie du parti au pouvoir redoutant une défaite après 16 ans au pouvoir. Et des observateurs internationaux ont déjà fait savoir qu'ils ne superviseraient pas les élections dans cette région en raison des violences. L'élection du 14 février devrait être la plus disputée depuis le retour à un régime civil en 1999.