Intellectuellement, les politiques et l'intelligentsia européens volent aux ras des pâquerettes. Piteux! On les supposaient réfléchis, on les découvrent dirigés par leurs émotions. Et les émois font perdre le sens des réalités et commettre des énormités que l'esprit ne peut admettre. Il en est ainsi des réactions abusives des dirigeants occidentaux après l'assassinat samedi d'un juif au Danemark. Cette attitude est certainement absurde et relève outre de la surenchère, de l'hystérie la plus grossière. En effet, pourquoi singulariser une religion et l'élever au zénith, tout en diabolisant l'Autre si ce n'est le fait d'un marketing politicien de bas étage? Ce qui s'est dit ces derniers jours est simplement inconcevable. Or, ceux-là qui n'avaient pas de mots assez durs et fermes pour condamner les attentats de Paris et de Copenhague, ont eu des mots mitigés, qui frisent l'inconvenance, face au révulsant égorgement de 21 Coptes égyptiens. A l'évidence, la mort cruelle de 21 Egyptiens ne pèse pas lourd, n'a pas la portée politique et médiatique que celle d'un juif. Cet ostracisme est totalement inacceptable. Inadmissible alors que ce sont les politiques hasardeuses de ces dirigeants occidentaux - qui montent de manière choquante au créneau - qui ont directement ou indirectement alimenté l'extrémisme de groupes qui n'auraient pu exister sans les aides intéressées que les grandes puissances leur ont fourni. Al Qaîda, Daesh et la nébuleuse qui se réclame de l'islam, sont l'oeuvre de ces pays à leur tête les Etats-Unis qui hurlent avec les loups. Ce sont ces puissances occidentales qui ont fomenté et supervisé le chaos dans certains pays arabes, allant jusqu'à s'allier aux terroristes extrémistes pour parvenir à leurs fins. Les Etats-Unis, la France - appuyés par la Turquie, le Qatar et l'Arabie saoudite - portent l'entière responsabilité de ce qui se passe en Syrie et la destruction de l'un des berceaux de l'humanité. Présumaient-ils que leurs pays, loin des champs de confrontation moyen-orientaux, sont prémunis de toute retombée ou retour de bâton? Or, il n'en est rien. De fait, parmi les «jihadistes» qui tuent le peuple syrien, il y a des Européens. Or, c'est le retour de ces «jihadistes» qui inquiète et fait couler des sueurs froides aux dirigeants européens. Aussi, est-il étonnant que les tueurs de Paris et de Copenhague, soient des Français et Danois? Plutôt que d'être pondérés et tenter de comprendre le pourquoi de ces dérives, les politiques européens se réfugient dans l'anesthésie et l'amalgame. Cela donna lieu à des dérapages de langage imprudents et provocateurs. C'est le cas du Premier ministre français, Manuel Valls, qui déclarait, lundi, à la radio RTL «Pour combattre cet 'islamo-fascisme'', puisque c'est ainsi qu'il faut le nommer, l'unité doit être notre force. Il ne faut céder ni à la peur, ni à la division». La langue de M.Valls a-t-elle fourché au point de faire le lien entre l'islam et le fascisme? M.Valls met en fait à nu sa connaissance aussi réduite qu'imparfaite de l'histoire du fascisme, qui reste une «marque» européenne. L'islam est trop grand pour lui pour qu'il en comprenne le concept et les mécanismes. En tout état de cause, le Premier ministre français vient de commettre un impair en inventant ce biscornu «islamo-fascisme». Est-il sérieux? Connaît-il les tenants et aboutissants de la signification du «fascisme»? A-t-on jamais taxé les «fascismes» italien, français, espagnol - pour ne citer que ceux-là qui ont eu un long compagnonnage avec le pouvoir, se réclamant de la «Sainte Eglise» - de «christo-fascisme» ou de «judéo-fascisme»? Bien sûr que non! Alors où veut en venir Manuel Valls? Que dire de la surenchère du président français, François Hollande, qui clamait martial, mardi aux juifs de France: «La République vous défendra de toutes ses forces.» Est-il politique de faire des juifs français des «supers-citoyens» placés au-dessus du reste des Français? D'autre part, ce qui est arrivé à Roland Dumas, ancien président du Conseil constitutionnel français, en dit long sur l'endoctrinement subi par la classe politique et médiatique françaises qui ont quasiment «lynché» l'ex-ministre des Affaires étrangères. Son tort? Avoir émis un avis sur l'influences qu'aurait Mme Valls sur son époux de Premier ministre. Cela souleva un cyclone à Paris et des condamnations hystériques. Or, la France s'enorgueillit de l'influence qu'avaient les femmes sur leurs compagnons (rois, présidents, ministres, hauts dignitaires). Aussi, où est alors le problème? Les Français ont-ils perdu le sens de l'introspection au point de ne pas saisir les propos de l'ancien ministre? Ce qu'a dit Roland Dumas, méritait en fait un vrai débat, plutôt que cette hystérie collective et le lynchage médiatique qui s'en sont suivis. Lamentable est l'image que la France donne de son intelligentsia!