«Celui qui chante va de la joie à la mélodie, celui qui entend, de la mélodie à la joie.» Rabindranath Tagore La jeunesse d'aujourd'hui a vraiment de la chance, au regard de celle qui a grandi en écoutant les sons nasillards sortant des vieux postes de T.S.F, en rêvant aux rengaines chantées sur des 78 tours grésillant d'une manière chaotique sur des gramophones à manivelle, ou encore soumis à la dictature d'une chaîne unique en noir et blanc. Les jeunes ont aujourd'hui à leur entière disposition toute une théorie de chaînes numériques de toutes nationalités qui diffusent dans toutes les langues des programmes en boucle, H24. Evidemment, c'est le style anglo-saxon qui domine et dans le registre anglo-saxon, fini le rock et le twist de nos pères, c'est désormais le rap, le hip-hop qui font la loi... Le reggae et la salsa relèvent de la mode rétro... Pourtant, il y a au moins deux chaînes qui pensent encore aux soixante-huitards attardés, aux nostalgiques du yé-yé débilitant qui garde malgré tout le charme désuet des choses recouvertes par la patine du temps, aux éternels amoureux des chansons à textes qui traversent les modes sans prendre une ride et aux amateurs des vieilles rengaines qui ont fleuri sur les lèvres de plusieurs générations, fait battre bien des coeurs et servi de repères à bien des amoureux. Mélody, la chaîne créée en 2001 et dont le siège social se trouve à Villeneuve d'Ascq (ce nom est familier à tous ceux qui ont eu à remplir des documents relatifs à une assurance ou à une retraite d'émigré...), diffuse en boucle, tout au long de l'année les vieilles émissions de variétés animées par le regretté Guy Lux ou produites par les époux Carpentier durant les années 1960 et 1970: grandes et joyeuses messes qui réunissaient tous les grands noms de la chanson française. C'est toujours un moment d'émotion intense et sincère qui est bien loin de la sensiblerie surfaite de La Chance aux chansons d'un autre disparu, Pascal Sevran. Le seul pêché mignon de Melody est d'intercaler trop de bandes annonces entre les émissions et surtout entre les chansons: cela casse un peu le rythme mais l'alternance du noir et blanc et de la couleur redonnent vie et date approximativement aux prestations d'artistes. La 5, chaîne culturelle et éducative, va beaucoup plus loin dans l'évocation du temps passé: dans l'émission Les airs de notre époque, les évènements du XXe siècle sont revisités avec les airs ou les chansons qui ont marqué la période donnée. C'est une agréable révision des grands moments de l'histoire au son des succès du passé. On ne peut imaginer la carrière d'un individu sans la riche bande-son qui illustre son cheminement. Pressenti pour faire le portrait d'un comédien, j'avais proposé de chercher avant tout les chants qui ont marqué sa vie: le projet échoua à mon grand regret. La 5 l'a réussi en faisant appel à un invité de marque, en l' occurrence la lumineuse Brigitte Fossey, l'inoubliable petite comédienne de six ans du film de René Clément Jeux interdits. C'est l'occasion de revivre avec elle les airs qui ont jalonné sa carrière. Cette intelligente comédienne a conclu l'émission sur un ton moralisant: «La vie est belle, elle est précieuse, il ne faut pas la gâcher.»