Il se présente comme artiste plasticien avant tout. Il est étudiant à l'école des beaux-arts spécialiste en sculpture mais vient d'exposer pour la première fois dix peintures sur toile, fruit de ses impressions et vécu, décliné en plusieurs fragments. Des portraits pour la plupart, dont un autoportrait. Cette expo qui se tient actuellement et jusqu'au 14 mai à la galerie d'art du centre commercial et de divertissement de Bab Ezzouar n'est en fait qu'une partie d'un puzzle qui forme une performance de l'artiste. Celle-ci sera montrée prochainement dans une vidéo. L'artiste et ses amis ont choisi en fait de se filmer emportant avec eux les toiles en pleine rue, de l'Esba jusqu'au métro, l'arrêt de Meissonnier, puis de prendre le tramway qui les a emmenés jusqu'au centre de Bab Ezzouar. L'artiste qui a filmé la naissance du projet, a aussi choisi de commencer de peindre la veille (14h) jusqu'au matin (9h), jour du vernissage. D'ailleurs, la date faisant foi sur ses peintures est bien perceptible. La thématique de cette expo est Solde. En fait, outre le titre qui accompagne chaque tableau il y a le prix de la toile qui est mentionné en dessous. Celle présente à l'entrée coûte 160 millions de centimes. Un prix bien excessif dirons la plupart. D'autant qu'il s'agit là d'une première expo pour ce jeune artiste en herbe. Pourquoi un tel prix? Et Slimane Sayoud de rétorquer: «La bonne question serait et pourquoi pas un tel prix» et d'expliquer le fond de sa pensée: «C'est excessif par rapport à quoi? Comment savoir? Il n y a pas de marché de l'art en Algérie. Si on dit que c'est cher il faut se référer à quelque chose qui n'existe pas ici. Ce clin d'oeil est une provocation de ma part qui s'adresse à la critique d'art qui est absente en Algérie. Ça consiste à passer également un petit message aux artistes qui se vendent à bas prix. Qui dévalorisent leur travail. D'où ces prix trop chers.» En gros il s'agit ici bel et bien d'un pied de nez fait à l'absence de marché de l'art et de lois qui puissent le réguler et fixer ainsi un barème si l'on peut dire de vente. De ce fait et au vu de cette anarchie et flou qui entourent le monde de l'art, l'artiste a choisi de mettre l'accent sur cette carence par l'absurde. Employant le figuratif sur des couleurs vives tels le jaune, le rouge et le bleu notamment, l'artiste se livre à nous à travers différentes toiles dont les noms sont entre autres, Joie, Mon enfance, Mes soucis, Mes rêves, etc. Autant de haltes dans l'existence parfois onirique de l'artiste qui se met ainsi en scène ou plutôt se réincarne via des portraits de garçons et filles au regard parfois fixe ou fuyant. A côté de ces peintures nous pouvons remarquer des sculptures qui trônent tout autour de cette galerie et qui répondent en quelque sorte au concept de cette expo. Sauf que lorsqu'on demande à Slimane Sayoud le pourquoi de ces sculptures, ce dernier avoue qu'il n'en sait rien et évoque une forme de «détournement». Cela dit, faisant partie d'une série appelée «Homos Glutus», ces sculptures ayant été réalisées par l'artiste Djamel Agagnia, dénoncent en fait pour leur part l'art de la consommation dans notre société et cette culture de l'éphémère que développe l'être moderne. Aussi, la consommation et les dépenses faciles suggérées font office d'échos à l'expo de Slimane Sayoud dont le point commun semble être l'argent et la valeur qu'on donne ou pas à la matière qu'on touche, qu'on achète, prend, utilise et jette après. Et si l'art était lui aussi un objet à consommation rapide? Comment peut-on juger en effet de son prix, par sa qualité artistique ou la valeur de celui qui le fabrique, le façonne et le vend? Car des artistes qui vendent cher en Algérie il n'y en a pas beaucoup. Somme toute, ces deux indiums placés dans cette galerie semblent se confronter peut-être de façon à remettre en équilibre le droit à posséder et le droit d'avoir l'accès artistique pour tous. Mais sans pour autant perdre son âme ni se dévaloriser aux yeux du monde et de l'Autre. Le marché de l'art reste en effet une grande question et pas qu'en Algérie. Un voile opaque peu abordé par nos artistes Même si la notion d'acquisition reste minime, voire futile comparée aux barons des industriels de l'art dans le monde, l'expo de Slimane aura eu au moins le mérite de soulever toutes ces questions liées à la commerciabilité de l'art et remettre ainsi en cause l'utilité du capitalisme dans la création artistique. «Il y a une suite à ça qui sera une surprise. Tout dépendra de la réaction des critiques d'art. Soit il y aura des articles, soit il n'y aura rien. En tout cas il y aura une suite. Elle sera régie par la réaction du public...», nous confiera le jeune artiste qui fait partie assurément de la nouvelle scène artistique algérienne. Slimane Sayoud né en 1984 originaire de Skikda, issue d'une famille d'artistes, dès son adolescence il a su comprendre sa mission qui est de servir son imagination et écouter le langage sacré de ses mains. Sculpteur, peintre, caricaturiste, graphiste,... Slimane Sayoud, affirme-t-on est un artiste pluridisciplinaire qui ne se limite pas à un art bien précis, sa peinture est une peinture de l'instant qui se situe entre la figuration et l'abstraction. Il joue des perspectives et des normes académiques pour essayer de donner libre cours à son interprétation. D'un geste ample il restitue sur les visages l'émotion des êtres en tumulte d'où l'attachement qu'on a devant ses tableaux.