Peinture de Mehdi Bardi Djelil Ces six artistes ayant pris part à cette action sont Maya Benchikhelfegoun, Mehdi Bardi Djelil, Sofiane Zougar, Adel Bentounsi, Djamel Agagnia et enfin Fella Tamzali sa nièce... C'est une expérience pas si unique que ça mais singulière dans la mesure où c'est Wassila Tamzali, écrivaine et militante féministe algérienne, mais aussi ancienne avocate à la cour d'Alger, avant de travailler à l'Unesco, qui l'a organisée. Non cet acte elle ne le revendique pas comme un geste culturel, mais comme quelque chose de spontanée qui l'a un peu dépassée reconnaît-elle. Une expo-vente privée. Cela peut paraître incongrue comme idée. Mais elle l'a fait. Ce sont six artistes qui étaient invités cette semaine chez elle pour rencontrer des gens qui ne sont pas forcément ceux que l'on connaît et qui fréquentent les galeries d'art mais non sans être dépourvues de goût. De potentiels acheteurs surtout, crachons le mot. Ces artistes sont Maya Benchikhelfegoun, Mehdi Bardi Djelil, Sofiane Zougar, Adel Bentounsi et enfin Fella Tamzali sa nièce. Celui-là expose des photos de sa vidéo Brûlure au coeur. Mais aussi d'autres images de sa toute dernière installation déjà vue au Festival d'art contemporain l'an dernier au Maroc. Elle s'inscrit dans le même état d'esprit que la précédente. Son nom Just for the gold (Just pour de l'or). On y voit par exemple des hommes accroupis sur un tapis en or croyant «gagner» sans doute le paradis plus tard. Ça parle d'opportunité et d'opportunisme de l'être humain. Ces dessins montrent des situations de gens qui sont face à une opportunité. Là c'est des montagnes d'or, une métaphore des hassanate. Là-bas, des gens qui se disputent pour une autre opportunité à saisir. A côté, on distingue un squelette... «quand on rend hommage à des gens cela aussi demande de l'argent, un budget. Les artistes qui meurent, on leur organise des manifestations. L'hommage lui-même est financé. Même les bonnes intentions demandent un coût, et cela est valable même après notre mort d'où le squelette», explique Adel et de confier son sentiment sur cette expo vente: «C'est très encourageant et motivant pour les artistes...» Mehdi Bardi Djelil présente quant à lui des peintures dont certaines inédites, jamais exposées et d'autres plus ou moins connues, toutes dans le même ton absurde et farfelu de l'être humain et son univers fantasmagorique. Ici au Salon on pouvait distinguer une peinture réalisée en hommage à Mohamed Benzine, le dernier de la série faite alors qu'il est encore aux beaux-arts. Deux autres datent également de 2009. Et puis, nous découvrons dans la chambre à côté une grande fresque murale. Une toile qui fait 12 sur 5 m. «C'était mon projet de fin d'étude. Je l'ai appelé «la fable grotesque»...». Evoquant l'initiative de Wassila Tamzali qu'il qualifie de «très belle et noble initiative» Mehdi dira «quelqu'un qui ouvre sa maison pour des artistes, qui enlève des objets, même des anciens tableaux à elle pour qu'on puisse placer nos tableaux, je trouve que ça c'est magnifique. En plus avec son caractère intimiste très chaleureux... là on sort des trucs conventionnels, sérieux. C'est positif, car tu rencontres des gens. Tu approches plus des gens. Tu prends le temps de leur expliquer les choses. C'est pas mal dans le sens où c'est une expérience que l'on peut répéter plusieurs fois. Wassila m'avait dit une chose: si on n'arrive pas à faire comme les autres, alors on le fait comme on le ressent, dans le sens où on le fait avec les moyens qu'on a et avec la manière dont on le sent. C'est une rencontre avant tout. Elle a rencontré notre travail, puis elle a rencontré l'artiste, elle est tombée sous le charme et elle nous a fait part de son projet qu'elle avait en tête depuis des années et s'est dit «allez on va le réaliser et cela s'est fait»...». De son côté, Maya Benchikhelfegoun a exposé six toiles de différents formats. Des portraits et des mises en scène. De l'acrylique sur la toile blanche. Du noir sur blanc dans un ton figuratif.. A propos de l'expo privée elle trouve «l'idée superbe parce que déjà on est nombreux. Si chacun commence à inviter les gens qu'il connaît et à ouvrir ses portes on pourra s'étendre en Algérie et ailleurs. L'idée principale c'est open doors. En même temps c'est Wassila Tamzali qui ouvre ses portes mais aussi nous ouvrons des portes sur notre propre travail. Quelque part c'est une manière de dire voilà ce qu'on fait. Allez voir ce qu'on fait encore et ce qu'on fera et c'est une initiative à pousser les gens à faire la même chose. Ce serait génial si ça venait à se reproduire...» Djamel Agagnia expose des sculptures sous le nom de Homo Glutus, métaphore de la société de consommation. Sofiane Zouggar pour sa part a présenté une série de dessins abstraits, parfois étranges ou drôles inspirés du quotidien ou de l'actualité. Déclinés en petits et grands formats, ces oeuvres sont un prélude d'un projet qu'il compte organiser chez lui bientôt aussi. Interrogé sur cette action, Wassila Tamzali nous a fait part de ses motivations: «Jusqu'à aujourd'hui je n'ai pas trouvé dans la peinture algérienne quelque chose qui me parlait qui m'émeut. L'Emotion c'est quelque chose très importante. Ce que je trouve intéressant dans la peinture aujourd'hui et en tout cas chez les artistes qui sont chez moi ce soir, c'est qu'il y a d'abord, entre eux une espèce d'unité de pensée, même s'ils font des oeuvres tout à fait différentes. Ils ont tous ce questionnement sur cette période de la guerre d'Algérie des années 1990. Cette période-là je la trouve dans le discours de ces jeunes artistes qui aimeraient bien savoir ce qui s'est passé. Par exemple le travail de Sofiane Zougar c'est exactement ça. Il prend une photo prise par un militaire pendant cette guerre-là et il enlève les personnages... Ce n'est pas la guerre d'Algérie mais la guerre fratricide qui a mis ces artistes dans un état de sidération. Ce qui est intéressant c'est que ce sont des oeuvres qui nous sortent de la sidération. Nous-mêmes on est dans cette sidération. On n'arrive pas à se prononcer sur cette guerre...» et de renchérir: «Si j'ai fait ça d'abord, ce n'est pas dans l'idée de faire une action cultuelle.De marquer mon temps. C'est autour d'une bande de peintres que j'ai trouvés sympathiques. Ce sont des personnes que j'ai approchées une après une. C'est quelque chose de spontané qui a la force de la spontanéité. Il se trouve que je connais beaucoup de gens et beaucoup me connaissent. Ils sont venus. j'ai cherché des gens qui achètent des tableaux. C'est ce que je voulais faire. Ces jeunes artistes ont exposé beaucoup. Ils sont connus mais ici c'est un contact un peu particulier. Les gens dans les galeries ne sont pas très attentifs, ils ne s'imaginent pas avoir ces tableaux chez eux. Les faire rentrer dans un appartement et qui a déjà des tableaux ça les incite peut-être à faire la même chose...» conclut-elle.