Métaphore de la société de consommation Le finissage de cette étrange, mais importante et fascinante exposition déclinée entre 21 peintures et 22 sculptures, a eu lieu samedi dernier au niveau de l'école Artissimo... Un artiste est censé être un boulimique de travail, passez-moi l'expression. Il n'a de cesse de cogiter surtout, puis de créer. Inlassablement. Et ceci est loin de constituer une tare, loin s'en faut. Poursuivre son idée, jusqu'à maturation, s'en inspirer une autre, pourquoi pas, sans perdre le fil de sa folie créatrice n'est pas chose facile. Djamel Agagnia est un de ces artistes qui aiment créer, porté qu'il est par les ailes de sa passion pour les arts plastiques mais l'amour aussi sans doute...Après avoir participé à la Picturie Générale II, le voilà-t-il pas qu'il reprend immédiatement le chemin de l'atelier pour se remettre à nouveau à travailler sur une nouvelle exposition. Son nom? Homo Glutus. Déclinée en 43 oeuvres entre 21 peintures et 22 sculptures, cette série d'oeuvres, des plus terribles, entend dénoncer la société de consommation avec une représentation surréaliste de l'être humain, qui fait peur. Des monstres aux ventres proéminents, symbole de la consommation à outrance. Ces personnages ont des figures effrayantes, leurs têtes sont penchées en avant comme ployées sous le poids de leur corps trop lourd à porter, à supporter. Il y a un liquide jaune qui sort de ces ventres. Ces sculptures sont réalisées en terre cuite et d'autres en technique mixte. Ici et là, nous apercevons ces protubérances sans tête. C'est un peu l'image de l'humanité aujourd'hui, uniforme. Des anonymes anthropophages qui inspirent la répulsion. «L'être humain aujourd'hui cherche son bonheur à travers la consommation rapide et démesurée. On consomme chaque jour sans arrêt. Posséder encore et toujours des objets, des maisons, c'est la nature humaine. De façon exagérée..» nous dira l'artiste Djamel Agagnia. L'achat compulsive, les médias qui poussent vers cette consommation, la publicité, c'est ce qu'on appelle une société kleenex. Prendre et jeter est en effet la réalité de la société dans ce monde globalisé où nous vivons, y compris au tiers-monde. C'est même parfois pire et d'autant plus anarchique poussant au renversement des valeurs au détriment de nouveaux codes comportements que d'aucuns adoptent pour s'intégrer. «Avant la concurrence, c'était par rapport au savoir, aujourd'hui la concurrence se situe au niveau même des émissions télé. Il faut être super beau, à la mode. Les gens inconscients vont vers cette image idéale. On cherche l'idéal de la vie. Or, il faut voir les visages qui souffrent...» en effet, les sculptures de Djamel Agagnia qui trônaient jusqu'à samedi dernier au niveau de l'école Artissimo sont belles, mais cruelles à la fois. Malgré les ventres pleins bien remplis, les visages sont crispés, souffrant, semblant crier de douleur. On ne sent nullement l'épanouissement, mais la déliquescence, la défiguration et la monstruosité. Les peintures déclinées sur différents formats abordent sous forme de contrastes et de couleurs diverses avec une prédominance pour le jaune, le rouge, le marron et un soupçon de bleu. Ces mêmes silhouettes qui baignent dans une sorte de magma d'un autre temps, sorte d'abysse mortifère qui aspirent nullement à la sérénité et à la paix de l'âme. Ces peintures en acrylique accrochées dans le couloir, mais aussi dans les différentes pièces de l'école Artissmo n'atténuent en rien la froideur des sculptures, mais vient en amont compléter ce funeste tableau de la vie moderne que nous propose l'artiste. Un travail bien remarquable, même si il est sombre il témoigne, ô combien de la décadence et fragilité de notre temps face à la culture de l'éphémère. Notons que le finissage de cette exposition (qui tire son nom du mot gloutonnerie) a été l'occasion pour la responsable de l'école d'annoncer la constitution d'un orchestre symphonique au sein de son établissement, d'une chorale et prochainement d'une troupe de danse. Ce n'est pas la première fois que cette école offre ses espaces aux artistes. Pour rappel, la première édition de la Picturie Générale avait lieu dans ce magnifique lieu qui prodigue de nombreux cours artistiques aux grands comme aux petits. Même si l'expo sera décrochée incessamment de ses cimaises,en parler valait la peine, car elle mérite vraiment le déplacement.