Le 8 mai 1945 est commémoré chaque année en Algérie et en France. Pour les Français c'est le jour de la capitulation allemande et la libération de leur pays. Pour nous, c'est le jour où le colonialisme français a massacré 45.000 Algériens. Hier et comme chaque année, les deux pays ont, chacun selon sa propre histoire, célébré le 70e anniversaire de cette journée. Là-bas c'était la fête. Ici le recueillement. Les deux émotions se retrouvent dans un télescopage de l'histoire de nos deux peuples car les Algériens avaient participé à libérer la France du nazisme. Dans le même temps, leurs pères, leurs frères, leurs mères, leurs épouses et leurs enfants qu'ils avaient laissés en Algérie, furent massacrés sans discernement par d'autres Français. Dans son message adressé, hier, au peuple algérien à cette occasion, le président Bouteflika a précisé que: «Notre peuple dont les enfants ont été entraînés dans le tumulte de la Seconde Guerre mondiale pour défendre la liberté de la France et du monde libre, aspirait lui aussi à jouir de la liberté, un droit légitime et commun à l'humanité, car ayant versé son tribut de sang dans cette guerre qui lui a été injustement imposée...(Il) sera récompensé par le fer et par le feu notamment à Sétif, Guelma, Kherrata et Skikda où plus de 45 000 Algériens ont été assassinés.» Comme l'a souligné le chef de l'Etat, ce n'était ni la première fois que l'occupant massacrait les Algériens, ni la dernière fois non plus. Un siècle et demi de colonisation jalonné par des massacres les uns plus horribles que les autres. N'oublions pas toutes ces populations algériennes enfumées dans des grottes par l'armée coloniale. N'oublions pas tous les villages et leurs habitants décimés par le feu au passage de ces mêmes troupes. N'oublions pas ces populations spoliées de leurs biens et repoussées vers les terres ingrates à l'intérieur du pays pour être réduites à la misère jusqu'à ce que mort s'ensuive. N'oublions pas tous ces Algériens qui ont été déportés à l'autre bout du monde pour avoir tenté de résister. N'oublions pas ce régime hideux de la punition collective instaurée par la colonisation pour décimer ce peuple. C'était avant le 8 mai 1945. N'oublions pas, après, le million et demi de martyrs qui se sont sacrifiés pour l'indépendance et à qui nous devons aujourd'hui notre vie d'hommes et de femmes libres. Si les Français apprécient aujourd'hui leur liberté retrouvée le 8 mai 1945, ils oublient qu'ils le doivent aussi aux Algériens qui sont morts en combattant, à leurs côtés, les nazis, comme le mentionne le message présidentiel. Douloureux passé écrit en lettres de sang. Douloureuses pages d'histoire écrites dans un mouvement intermittent d'attraction et de répulsion. Des pages d'histoire qu'il faudra écrire un jour. Le jour où toute la vérité aura éclaté. Une vérité qui est en marche. 70 ans après, le président Bouteflika lance solennellement cet appel: «En ce douloureux anniversaire où nous nous inclinons à la mémoire de nos glorieux chouhada, j'appelle notre peuple, les jeunes particulièrement, à faire preuve de sagesse et à s'armer de volonté pour être en mesure de relever les défis en veillant à préserver l'unité nationale pour mieux appréhender l'avenir dans le respect du serment fait à nos vaillants martyrs de défendre jalousement la souveraineté et l'indépendance de l'Algérie.» Sagesse, volonté, défis, unité nationale, souveraineté, indépendance, des mots qui sonnent fort dans la bouche du premier magistrat du pays et moudjahid de surcroît. Son appel s'adresse en particulier à la jeunesse. Une mise en garde contre le chant des sirènes de la division et du désordre. L'Algérie a réussi à relever nombre de défis. Ses ennemis d'hier sont toujours aussi haineux. Les jeunes d'aujourd'hui doivent reprendre le flambeau et préserver le pays que les jeunes d'hier ont libéré. «Il est important que ces pages noires et héroïques de notre histoire soient rappelées aux jeunes Algériens qui sauront, ainsi, le prix payé par leur peuple pour recouvrer sa liberté, sa dignité et son indépendance», ainsi s'est exprimé, en 2008, le président Bouteflika, dans son message à l'occasion de la célébration du 63e anniversaire des massacres du 8 mai 1945. «Nous nous devons d'intégrer cette valeur dans notre vécu et ainsi seulement s'affirmeront notre appartenance à la patrie et notre algérianité et nous parviendrons, en dépit de la différence des vues et des opinions, de nous rassembler autour de ce qui est susceptible de nous unir, de nous fortifier et de nous prémunir contre la confrontation fallacieuse qui tend à semer la division et la mésentente et à faire répandre l'irresponsabilité et le désordre.»