*Sans la moindre raison, les dirigeants français, contredisant les orientations politiques hexagonales, se sont retirés, laissant leurs associés algériens littéralement sur la dalle. Peut-il se concevoir quelque manager de haut niveau creusant sa tombe de ses propres mains? Sans doute pas. Mais serions-nous tentés de répondre par l'affirmative pour ce qui est de ce qu'il convient désormais d'appeler «l'affaire Persavon». Que l'on en juge. Tout a commencé un certain 30 juin de l'année 1998. Des opérateurs économiques algériens menés par Salih Saâdi rencontrent le PDG de Persavon, la plus grande firme française de fabrication de parfum et de savon, dans le but de fabriquer des produits de ce label sur le sol algérien. Une initiative tout aussi prometteuse que porteuse, comme il sera vérifié plus tard. L'étude de marché préliminaire s'est révélée tellement concluante, comme le démontrent les documents relatifs à cette affaire, qu'un protocole d'accord a fini par être signé dès mars 1999. Ce document prévoit une répartition des actions à parts égales entre les deux associés. Côté algérien, les engagements sont comme suit. Il s'agit d'obtenir l'agrément Apsi, qui permet des facilités douanières et fiscales presque inexistantes ailleurs dans le monde, en comparaison avec le savoir-faire de la capacité d'absorption du marché et de la qualité de la main d'oeuvre algérienne. Il s'agit également de trouver les financements bancaires, y compris les fonds de roulement, ainsi que les locaux adaptés. Même l'entreprise a été créée sous la dénomination «Persavon Algérie». Côté français, le PDG, Alain Bernard, se devait d'apporter et d'installer le matériel nécessaire pour fabriquer 4000 tonnes de savonnettes de ce label chaque année. Il est également question de faire évaluer le matériel en question par un expert, mais aussi d'apporter le savoir-faire français dans ce domaine. Face à la rentabilité assurée d'un pareil produit, pour qui sait de quelle manière le marché algérien est envahi par les produits de beauté étrangers, le plus souvent contrefaits, il ne faisait aucun doute que les autorités algériennes, favorables aux investissements en général, et aux projets de partenariat avec les entreprises françaises, allaient faciliter l'ensemble des démarches à M.Saâdi, désormais mandaté pour représenter cette filiale (hélas mort-née) algérienne. C'est pour cette raison , du reste, que l'agrément Apsi a été obtenu en février 2000, seulement une semaine après le dépôt de la demande. La demande de crédit est déposée deux mois plus tard auprès de la BNA. L'accord préliminaire, suivi par un engagement définitif, tombe avant la fin de cette année. Une prouesse, en somme, qui dénote tout l'intérêt qu'a porté cette institution bancaire à un projet rehaussant le prestige du pays, et créateur d'emplois et de richesse. C'est à partir de ce moment, et alors que la partie algérienne a honoré l'ensemble de ses engagements au-delà de toute espérance, que les premiers couacs ont commencé à se faire jour. Outre la découverte que le matériel promis était loin d'être disponible, la firme française a même tenté une «diversion» en prenant langue avec une entreprise publique algérienne basée à Maghnia. Ce n'est qu'à la fin de septembre 2002 que le PDG de Persavon rompt son silence pour le moins troublant, afin de se contenter de demander un délai de six mois, le temps d'organiser ses propres usines et de dégager le matériel promis. Entre-temps, le régime Apsi ayant expiré sans que la production ait commencé, des documents justificatifs de prorogation sont demandés, sans que la maison mère y donnât suite. De même, le matériel n'est jamais arrivé à la zone industrielle d'Es-Sénia, emplacement de la filiale algérienne. Les trois relances faites en ce sens, et le déplacement de M.Saâdi à Nantes, n'y feront hélas rien. Aucune explication n'a été fournie à propos de cette rupture de contrat pour le moins inexplicable. Les raisons verbales, liées à de prétendues causes sécuritaires, ne tiennent pas du tout la route, comme le démontrent l'ensemble des rapports dressés en ce sens, mais aussi les différents bilans officiels en matière de lutte antiterroriste. S'il ne fait aucun doute que les tribunaux compétents sauront sans doute trancher dans ce qui est devenu un litige, la question se pose avec acuité sur les véritables raisons qui ont poussé Persavon à dédaigner sans raison un marché aussi porteur que l'Algérie, au moment où les plus importants responsables de ce pays exhortent leurs opérateurs à investir en Algérie, leur dispensant facilités, aides et conseils...L'affaire, puisqu'affaire il y a, reste forcément à suivre...