«Homme libre, toujours tu chériras la mer!» Baudelaire Quand j'ouvris ma fenêtre ce mercredi 20 mai, je fus violemment agressé par la grisaille du ciel et la fraîcheur inattendue de cette matinée morose. Il faut dire que toute la nuit, un vent violent avait fait grincer toutes les ferrailles des armatures de paraboles qui encombrent la terrasse sous laquelle j'avais trouvé un précaire refuge. Je ne fus d'ailleurs pas étonné de ne pas trouver d'image sur l'écran télé quand je détournai les yeux du ciel maussade pour un décor plus enthousiasmant: le vent furieux avait déconnecté le câble télé et je dus me résoudre à me retourner vers le vieux poste radio que j'avais mis au placard. Et là, je reçus une véritable bouffée d'air frais en tombant sur l'équipe sympathique de joyeux drilles qui animent chaque année, à pareille époque, l'émission édifiante de la Chaîne III qui couvre l'opération ô combien ambitieuse des éboueurs de la mer. Vous allez sans doute me dire que je me répète puisque j'avais commenté cette médiatique mobilisation il y a quelques années en relation avec la même radio et aussi à propos du dernier film de Rachid Benallal qui avait judicieusement placé dans son oeuvre une séquence de volontariat pré-estival. La première remarque que je fis est que cette journée maussade ne s'apprêtait pas pour une émission qui se veut lumineuse, car qui dit plage dit soleil, comme on ne doit pas inclure dans une carte postale touristique les pauvres palmiers desséchés qui se meurent sur la «Promenade des Anglais». Les responsables de l'émission auraient dû consulter le bulletin météo avant de lancer leur barque sur les flots pollués du littoral défiguré. Mais la communication est un métier et les prêcheurs de la côte saturée ont vite fait de me contaminer de leur enthousiasme délirant sur l'urgence d'une mobilisation nationale pour sauver ce qui reste des plages, victimes des pilleurs de sable et des squatteurs arrogants. En écoutant les propositions ambitieuses des différents participants à propos des programmes d'intervention sur les nombreuses plages qui ponctuent un littoral de 1200 km, j'ai mis sur le dos de la jeunesse l'optimisme qui anime leurs déclarations. Evidemment, il faut louer le nationalisme de ces jeunes gens qui veulent rehausser l'image d'une Algérie dont le tourisme est la cinquième roue de la charrette et aussi remercier le Ciel que beaucoup de nos concitoyens ne soient attirés que par des tâches valorisantes. Mais la sincérité des participants à cette édifiante émission ne doit pas nous faire oublier que le mal est profond et que la lutte sera longue pour donner au littoral cet aspect attractif des cartes postales d'antan. Les prédateurs du foncier ne resterons pas les bras croisés et leur appétit est féroce: la Mitidja est en passe de devenir la plus grande ville d'Afrique et le littoral n'est pas épargné par ceux dont le slogan a toujours été «Après moi, le déluge!». J'ai remarqué que dans la longue liste où les éboueurs de la mer interviendront, je n'ai point entendu le nom des plages de Moretti et du Club des Pins. Et cela est un symptôme inquiétant sur l'avenir de certaines plages qui seront plus nombreuses à être réservées à des privilégiés. D'autre part, j'ai noté que l'un des participants (M. Belkessam, je crois), avait proposé d'adjoindre dans les programmes Aadl, l'équipement d'un broyeur de déchets ménagers. Proposition louable, certes, mais qui relève de la science-fiction quand on voit les décharges sauvages qui noircissent les espaces verts et les innombrables déchets qui encombrent les allées des cités abandonnées par des municipalités dépassées. Et si on parlait plutôt du pillage des dunes de la ville de Zéralda et de la destruction de sa forêt maritime dans les années 1980, quand Zéralda fut ubuesquement rattachée à la wilaya de Tipasa?