«De tous ceux qui n'ont rien à dire, les plus agréables sont ceux qui se taisent». Coluche Je ne peux quitter cette page qui m'a longtemps accordé une rassurante et confortable hospitalité sans un petit pincement au coeur. C'est le même sentiment qui m'animait quand j'ai dû prendre ma première retraite. Ce second départ sur la pointe des pieds se fait alors que le village qui m'a offert refuge et asile, vingt mois durant, prépare sa saison estivale par des travaux contraignants: réfection des vieilles conduites d'eau, réfection de trottoirs... Coupures d'eau et absence de connexion sont venues s'ajouter aux multiples nuisances qui ont commencé à s'installer dans le paisible quartier où je m'étais installé. J'ai dû faire mes cartons et opérer le difficile choix de me débarrasser d'objets encombrants mais qui m'ont accompagné une partie de ma vie. Ce sont les livres auxquels j'attache le plus d'importance: ceux qui m'ont été dédicacés et les rescapés des nombreux déménagements qui ont ponctué une vie au demeurant, fort sédentaire. Et c'est en cette veille de la période de veille d'examens que je vais quitter ce quartier autrefois si paisible mais qui a perdu de son calme: les propriétaires des villas d'en face n'ont pas trouvé mieux que de louer leur rez-de-chaussée en salle de cours pour les jeunes aux parents fortunés: très tôt le gazouillement des adolescents éveille des riverains mécontents. Je comprends un peu pour l'avoir vécu au moins deux fois cette frénésie qui saisit, à la veille de l'examen les candidats qui tentent de combler les lacunes accumulées durant une année scolaire mouvementée. C'est la même frénésie qui saisit les détracteurs du pauvre Lyes Salem qui a réalisé l'exploit de faire le montage financier du film L'Oranais, film qui a fait couler beaucoup d'encre sur le pourtour méditerranéen. Comme le lobby sioniste ne dort jamais sur les pétrodollars entreposés dans ses banques par les pompistes du Golfe et d'ailleurs, L'Oranais qui n'est algérien qu'à 22%, (les 78% restants sont français) a été sélectionné pour participer au festival d'Ashdod, dans les territoires palestiniens occupés. C'est l'occasion rêvée pour les ultras d'aiguiser leurs couteaux et de crier haro sur le baudet! Cela donne une impression de déjà-vu: en 1979 ou 80, alors que le cinéma algérien était sur le point de succomber à la fatale restructuration que lui préparaient ses fossoyeurs, le grand équipementier en matériel de camping, Trigano, propriétaire du Club Méditerranée, organisait dans une petite ville du Massif Central des rencontres cinématographiques qui réunissaient Français, Israéliens, Palestiniens et Algériens. Des cinéphiles qui gravitaient autour de la Cinémathèque d'Alger, des critiques et des petits responsables de l'audiovisuel moribond participaient à cette rencontre que notre ami, le caricaturiste Slim, avait brocardé dans un dessin intitulé Camping David 2. Cela avait fait les choux gras des pages culturelles de l'époque. Il faut dire que bien avant, un éminent responsable du cinéma algérien avait adressé une lettre de félicitations au président Sadate pour avoir reconnu l'entité sioniste: certainement pour faire plaisir aux diffuseurs américains Yoram Golan et Menahem Globus qui, comme leurs noms l'indiquent, ne sont pas des Sioux Oglala. Donc, la question se posera éternellement: va-t-on indéfiniment fermer les yeux sur un fait colonial avéré et qui a conduit à la création d'Israël, alors que les pays du Front du refus volent en éclats les uns après les autres, grâce à la complicité des monarchies du Golfe et des blanchisseurs d'argent? Ensuite, l'artiste devra-t-il suivre les voix impénétrables qui dictent une attitude politique, alors que le peuple palestinien est ignoré de tous et en premier lieu des islamistes qui n'ont jamais levé le petit doigt contre Israël? Le débat, comme le congrès de Tripoli, ne sera jamais clos.