Euphorique était Ban Ki-moon, secrétaire général de l'Organisation des Nations unies (ONU), vendredi, à San Francisco (Californie, USA) où il présida la cérimonie de la célébration du 70e anniversaire de la Charte fondatrice de l'institution mondiale. M.Ban assura: «En signant ce document, les fondateurs de l'Organisation ont donné corps à ce que nombre de personnes pensaient impossible. Il nous revient de répondre à l'appel de la Charte à 'unir nos forces'' et à utiliser leur création - les Nations unies - pour le bien commun», ajoutant que la rédaction de la Charte était un «pari hors du commun». L'ONU est donc la panacée! Une organisation, septuagénaire, de laquelle, selon son secrétaire général, on pouvait attendre monts et merveilles. La réalité n'est pas, hélas, aussi remarquable, qui reste triste et plus terre à terre et ne prête pas à l'optimisme. M.Ban est surtout en décalage avec cette réalité, le monde ne s'étant jamais aussi mal porté que lors des dernières décennies. Les limites et les faiblesses de l'ONU - qui ne dispose ni du pouvoir de décision, ni de l'indépendance financière indispensables pour un fonctionnement crédible - ont été, à maintes reprises, mises à nu. Plus, l'ONU dépend de ceux-là qui entendent conduire le monde à la baguette et à leur mesure. Dithyrambe, Ban Ki-moon ajoute: «En l'espace d'une génération, beaucoup d'espoir a été enseveli dans les tranchées et dans les chambres à gaz des deux guerres mondiales. Mais les auteurs de la Charte ont osé croire en quelque chose de plus considérable qu'une personne ou un pays. Grâce à des négociations soutenues, les délégués ont réalisé leur rêve.» Quel rêve, monsieur le premier responsable de l'ONU quand la loi du plus fort continue d'être le concret au sein de l'institution dont vous assurez la gouvernance, quand des intérêts partiaux mettent en danger (?) encore et toujours la paix et la sécurité dans le monde? En 2003, une nation forte de sa puissance militaire et financière a fait fi du veto du Conseil de sécurité en envahissant et en détruisant un pays: l'Irak. Douze années après, ce pays souffre des affres de la guerre et de la division. Est-ce celui-là le rêve des auteurs de la Charte, qui fait qu'un pays [les Etats-Unis] passible des tribunaux pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité ne sera jamais inquiété ni jugé? Au contraire, ce sont les Etats-Unis qui distribuent les bonnes notes et les mauvais points. M.Ban, vous soulignez d'autre part: «Aujourd'hui, quand je me rends dans des camps de réfugiés et des zones de conflit à travers le monde, je dis aux jeunes: vous n'êtes pas seuls. (...) Les Nations unies se tiendront à vos côtés» et d'assurer: «Chaque jour, nous défendons les droits humains pour tous, sans distinction de race, de religion, de nationalité, de sexe ou d'orientation sexuelle.» M.Ban, est-il humain que l'ONU puisse tolérer que l'un de ses membres, Israël, transforme les territoires palestiniens en immense geôle? Même vous, secrétaire général de l'ONU, ne pouvez accéder à la bande de Ghaza sans l'autorisation des autorités d'occupation sionistes. Comment pouvez-vous rassurer ou soulager les jeunes Palestiniens victimes des exactions d'Israël alors que l'ONU n'a aucune autorité sur ce pays? Un pays qui a interdit aux missions de l'ONU d'enquêter dans les territoires palestiniens occupés sans que vous puissiez y faire quoi que ce soit? Vous dites que les Nations unies ont contribué au démantèlement du colonialisme, à rendre leur liberté à des millions de personnes et à mobiliser le monde contre l'apartheid. Certes, mais comment cela se fait-il que l'ONU n'ait pas réussi - 68 ans après leur adoption - à faire appliquer les résolutions de l'ONU pour ce qui est de la Palestine, victime d'un déni de justice, qui paie pour les Occidentaux les crimes horribles qu'ils ont commis en Europe, lors de la Seconde Guerre mondiale? Non, M. Ban, la Palestine, s'inscrit en faux contre votre profession de foi. L'ONU façonnée par la Charte de San Francisco est aussi faible et démunie que l'a été sa devancière société des Nations (SDN). L'ONU a été créée pour faire table rase des défauts qui ont empêché la SDN de fonctionner et de repartir sur des bases saines plus respectueuses des peuples et des nations. Or, dès la naissance de l'ONU le ver était dans le fruit et minée par le fait d'accorder à cinq pays le droit suprême du veto. Ce n'est pas l'ONU qui décide: ce sont ces super-puissances qui actent sa marche et ses décisions. Les Etats-Unis bloquent la Palestine, la France en fait autant pour le Sahara occidental par leur protection des pays occupants: Israël et le Maroc. Et c'est cette Charte inéquitable et obsolète qui est glorifiée, quand il était attendu que vous mettiez en évidence ses limites dans un monde qui a évolué. En omettant de remettre en cause la Charte de San Francisco et sa caducité, vous confortez ceux qui dominent le monde au nom de l'ONU. Dès lors où est la différence entre la SDN et l'ONU?