Des dizaines de morts, des centaines de blessés et plus de 10 000 personnes arrêtées. La communauté algérienne en France célèbre, comme chaque année, les douloureux événements du 17 octobre 1961. Ce jour-là, environ 7000 policiers, deux compagnies de CRS ainsi que trois escadrons de la gendarmerie française ont été déployés pour empêcher une marche pacifique à Paris, décidée auparavant à Cologne par les dirigeants de la Fédération de France du Front de libération nationale. Prévue à 18 heures, la manifestation tournera vite au drame. En début de soirée, les premiers Algériens qui ont pris d'assaut les rues parisiennes, sont systématiquement embarqués par l'armada déployée par Maurice Papon, préfet de police en ce temps-là. Les premiers Algériens interpellés seront conduits manu-militari à Vincennes et Beaujon. Ils seront brutalisés et torturés. Plusieurs d'entre eux succomberont aux sévices de leurs tortionnaires. Pourtant, le véritable drame ne débutera que vers 20 heures. En effet, les dizaines de milliers d'Algériens qui ont réussi à s'introduire à l'intérieur du centre de Paris, seront réprimés d'une façon sanglante. Bilan : des dizaines de morts, des centaines de blessés ainsi que l'arrestation de plus de 10.000 personnes. Plusieurs personnes ont été carrément jetées dans la Seine. Le service d'ordre a ouvert le feu et tué sans distinction. Le lendemain, soit près de 24 heures après, les manifestants appréhendés seront conduits par bus au Palais des sports, ils seront pareillement torturés. La France, en ce temps-là, venait de rééditer les crimes commis par l'Allemagne nazie des années auparavant, dans la même capitale. 43 ans après, les tragiques événements, la communauté algérienne à Paris commémore ce 17 octobre 1961 baptisé journée de l'émigration. Sous l'égide de l'association «Union de la communauté algérienne de Paris» et pour que nul n'oublie sera organisé demain, à 18h30, un rassemblement au siège de cette association agréée par les autorités françaises. «Comme chaque année, la communauté algérienne commémore le 17 octobre en mémoire de nos compatriotes assassinés dans les prisons françaises et au cours des manifestations pacifiques organisées ce jour à Paris. La police a répondu à leur démonstration pacifique par la répression, causant des centaines de victimes parmi les manifestants désarmés, c'est un crime contre l'humanité», souligne le président de cette association dans une déclaration parvenue à notre rédaction. Pour lui, ce «crime contre l'humanité» a été occulté pendant des années et leurs auteurs n'ont jamais eu à rendre compte ni de leurs décisions, ni de leurs actes. «Le souvenir des violences du 17 octobre 1961 pourrait s'atténuer avec le temps, induisant une reconnaissance ; le geste symbolique du maire de Paris, M. Delanoë, en déposant une plaque sur le pont de Saint Michel pour la commémoration du 17 octobre 1961, en constitue déjà un bon prélude», constate l'association, en rappelant au passage, que la vérité est que tout Français n'était pas colonialiste, tout Français n'était pas xénophobe et que tout Algérien en est reconnaissant et tolérant. Notons enfin que la responsabilité de Maurice Papon dans le bain de sang du 17 octobre 1961 n'a pas, à ce jour, été établie par la justice française. Néanmoins, les relations algéro-françaises n'ont jamais été aussi bonnes que ces dernières années. Les deux pays semblent vouloir définitivement tourner la page en regardant vers le futur sans oublier le passé.