Il a souhaité que la nouvelle Constitution participe à soustraire le magistrat «de l'influence du pouvoir exécutif» afin qu'il puisse «dire la loi en toute conscience». Usant d'un ton direct, le président de la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l'homme (Cncppdh) a longuement plaidé hier, sur les ondes de la Chaîne III de la Radio nationale, pour une justice réellement indépendante. Un plaidoyer qui prend tout son sens quand on la ramène à l'annonce faite, à l'occasion de la célébration du 61e anniversaire du 1er Novembre, par le président de la République de la publication prochaine du texte de la nouvelle Constitution. Notamment, à sa disposition relative à l'instauration d'une «commission indépendante de surveillance des élections»; pour rappel, un mécanisme depuis toujours revendiqué par de larges pans de l'opposition. Une revendication qu'il a, à l'évidence, faite sienne. En réaffirmant son penchant pour «l'organisation d'élections réellement transparentes qui reflètent le choix des votants et qui ne soient pas mises en doute par l'opposition», Farouk Ksentini, qui, ce faisant, reconnaît publiquement que celles-ci (les élections) étaient loin de l'être (transparentes), ne fait pas autre chose. Bien mieux, en plaidant pour une justice réellement indépendante de l'Exécutif - «dès lors que la première est soumise au second, les choses sont faussées», a-t-il, en effet, déclaré -, il a posé les conditions juridiques à réunir sans lesquelles toute démarche allant dans le sens d'une telle organisation serait faussée. Au départ, sommes-nous tentés de dire. Liant cette indépendance de la justice à la situation même du magistrat chargé de la rendre, il a souhaité que la nouvelle Constitution participe à soustraire celui-ci «de l'influence du pouvoir exécutif» afin qu'il puisse «dire la loi en toute conscience». Comme pour dire que cette condition est nécessaire, mais aucunement suffisante, Farouk Ksentini a également plaidé pour une justice de qualité. Une manière, par trop claire, de dire que le magistrat n'est pas exempt de responsabilité dans la situation présente de la justice. Surtout qu'il lie cette qualité à l'existence «de magistrats formés, dotés d'une indépendance d'esprit et d'une honnêteté intellectuelle»; des qualités, notamment pour les deux dernières, qui, parce qu'elles sont intrinsèques à toute personne, ne peuvent être imposées par un quelconque texte juridique, fut-il la Loi fondamentale du pays. L'importance d'une justice indépendante dans le bon fonctionnement, au sens large de l'expression, d'un pays, n'a pas fait perdre de vue au président de la Cncppdh celle d'une autre exigence, d'ordre politique (mais également imposée par la biologie), celle-là; à savoir l'alternance générationnelle au pouvoir. En déclarant qu'il était «temps pour l'ancienne génération de partir (...) car personne n'est éternel», Farouk Ksentini a également fait sienne une autre revendication de l'opposition. Mais, il faut le dire, de larges secteurs de la population. Lesquels, tout en reconnaissant à cette génération le mérite d'avoir contribué à la libération du pays et, dans une certaine mesure, à son édification, n'en exigent pas moins, surtout ces dernières, une place plus grande dans la gestion des affaires du pays aux générations post-indépendance. Cette convergence, dans les positions sur nombre de sujets sensibles, avec l'opposition, l'a poussé tout naturellement à déclarer que le pays «ne pouvait plus se contenter d'une démocratie de façade qui n'existe que dans les textes». Une manière, là aussi, de plaider pour une place plus grande pour l'opposition sur l'échiquier politique national. Et ce, d'autant plus qu'il considère cette dernière, qui est, a-t-il déclaré, «l'essence même de la démocratie», comme «une nécessité pour le pays».