L'Algérie ambitionne de réduire ses gaz à effet de serre «Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer.» Guillaume d'Orange Il m'a été donné d'animer une conférence dans le programme précurseur de la COP 21 à Marseille. Le thème que j'ai développé portait sur la stratégie algérienne en matière de transition énergétique et de développement durable. L'auditoire était composé de plus d'une centaine de doctorants venant de France et du Maghreb. J'ai d'abord donné mon point de vue sur les attendus de la COP 21 et ma conviction, malgré les effets d'annonce, et surtout l'engagement des «croyants» en un monde meilleur que la bataille est perdue pour les 2°C à ne pas dépasser sous peine d'apocalypse. De fait, à grands renforts médiatiques avant même que la 21e conférence sur le climat n'ait lieu à Paris (COP 21) on présente cet événement comme étant une rupture: il y a un avant-COP21 et il y aura un après-COP 21. Comme d'habitude, le manque d'humilité donne l'illusion que cette nouvelle rencontre va sauver ou non l'humanité. Pourtant, nous verrons qu'il n'en est rien. Les hommes étant ce qu'ils sont et la réalité immuable étant ce qu'elle est, il est à craindre qu'une fois de plus, dès lors que les lampions médiatiques et les récupérations politiques seront faites, chacun continuera comme par le passé à faire ce qu'il veut malgré des promesses qui, aurait dit un homme d'Etat français, n'engageraient que ceux qui y croient L'ambivalence du discours des pays industrialisés Le discours des pays développés est ambivalent. On verse des larmes de crocodile sur les petits pays insulaires comme les Iles Maldives qui risquent de disparaître et dans le même temps, on continue à investir dans les énergies fossiles responsables de la débâcle climatique. Sait-on que plus de 900 milliards de tonnes de CO2 ont été émises depuis le début du XXe siècle presque exclusivement par les pays industrialisés et non pas par les pays du Sud non développés, mais qui sont aux premières loges quand il faut payer l'addition des convulsions climatiques. Comment peut-on parler de promesses et de vision nouvelle vers le développement durable quand les pays industrialisés et, de plus en plus, les pays émergents investissent en masse dans les énergies fossiles? Ainsi, on apprend que ces pays ont dépensé plus de 600 milliards de dollars pour les énergies fossiles et ne s'entendent pas pour arriver à mettre en place un fonds de 100 milliards de dollars pour aider les pays du Sud à lutter contre les changements climatiques dont ils sont responsables? Olivier Petitjean nous parle du cas de la France qui s'apparente à la devise du curé de campagne: «Faites ce que je vous dis, mais ne faites pas ce que je fais.» Ainsi dit-il: «La seule banque à figurer parmi les sponsors officiels de la Conférence internationale de Paris sur le climat, BNP Paribas, écrit Olivier Petitjean, est aussi le leader français du financement des énergies sales, qu'il s'agisse de charbon, de gaz de schiste, de sables bitumineux ou d'autres sources fossiles. Pour toutes ces raisons, BNP Paribas est nominée cette année aux «prix Pinocchio du climat». Responsable à lui seul de près de 40% des émissions globales de dioxyde de carbone, le charbon est considéré comme l'ennemi numéro un du climat. Son extraction dans des mines et sa combustion dans des centrales électriques sont aussi une source majeure de pollution de l'air et de l'eau, dont le coût humain est souvent dramatique. On estime ainsi à 18.000 le nombre de décès prématurés causés en Europe par la pollution issue des centrales au charbon. Plus généralement, selon une étude rendue publique aujourd'hui par Oxfam France et les Amis de la terre, les cinq plus grandes banques françaises - BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole, Natixis et Crédit mutuel-CIC - ont investi collectivement pas moins de 129 milliards d'euros dans le secteur des énergies fossiles entre 2009, l'année du sommet de Copenhague sur le climat, et 2014. Leurs investissements dans les énergies renouvelables plafonnent, eux, à 18 milliards d'euros, soit sept fois moins! «Quand on sait que les cinq prochaines années seront cruciales pour infléchir la hausse des températures, les banques françaises doivent dès maintenant opérer un virage à 180° en sortant des fossiles à commencer par le charbon, et en finançant réellement la transition énergétique», souligne Alexandre Naulot d'Oxfam France».(1) (2) Présentation des ambitions de l'Algérie La contribution principale de ma conférence a consisté à présenter les efforts de l'Algérie pour une transition énergétique vers le développement durable. Cette option permettrait de désengorger la demande en énergies fossiles et en carburants. L'Algérie subit présentement le contre-choc pétrolier qui lui commande de revoir fondamentalement son modèle énergétique dans le sens de la rationalisation de la consommation par la chasse au gaspillage, l'investissement à marches forcées dans les énergies renouvelables, l'optimisation de la production de ses énergies fossiles pour réussir cette transition énergétique vers le développement durable, condition nécessaire d'un développement fécond, créateur de richesse qui n'hypothèque pas l'avenir. Dans le cadre de la rationalisation de la consommation de carburant pour diminuer la pression sur les énergies fossiles et à l'instar de ce qui se passe en Europe, l'Algérie devrait encourager la double carburation essence/ électricité. Il faut savoir en effet, qu'un «plein» de 150 km en énergie électrique coûte 2 euros dans une voiture électrique en France. De ce fait, dans les pays où la transition vers le développement durable a un sens les appartements, voire les habitations sont équipées de prises électriques pour voiture. Il y a là un excellent champ pour la création de richesse et la possibilité pour l'Algérie de réduire ses gaz à effets de serre L'utilisation d'une façon indirecte du gaz naturel avec la production d'électricité peut être aussi confortée par l'utilisation du GPL (sirghaz) comme carburant directement par une politique volontariste en creusant d'une façon conséquente le différentiel entre le gasoil et le GPL (sirghaz) par quatre leviers, à savoir 1° Aligner le gasoil sur l'essence et les porter à un niveau prohibitif du gaspillage au minimum 35 DA graduellement pour s'aligner sur les prix qui vont nous éviter l'hémorragie aux frontières; le renoncement aux importations coûteuses et la contribution réelle à la diminution du CO2. Dans le même temps porter symboliquement le prix du sirghaz à un prix de 10 DA pour bien montrer la volonté des pouvoirs publics à faire admettre que les prix ne sont pas figés. 2° Favoriser le GPL (sirghaz) en creusant les différentiels pour les vignettes (du simple au double par rapport aux véhicules à essence et prévoir dans un premier temps la gratuité des autoroutes pour les véhicules roulant au sirghaz 3° Le plus important est l'aide de l'Etat à la mise en place du dispositif de conversion au GPL (sirghaz) le prix moyen étant autour de 100.000 DA, l'Etat prendrait à sa charge 50% du coût pour permettre aux utilisateurs d'amortir leurs investissement dans des délais raisonnables. Pour une voiture qui roule 20.000 km/an pour 6 litres aux 100 cela fait 1200 litres achetés à 10 DA le litre cela fait un investissement de 12.000 DA. Si l'automobiliste utilise l'essence, le coût serait de 40.000 DA, le différentiel de 28.000 DA permettrait à l'utilisateur de pouvoir amortir la conversion au sirghaz au bout de deux ans. C'est jouable, d'autant que l'on s'acheminera dans les prochaines années à rationaliser la consommation d'essence et de gasoil en introduisant une carte, carburant annuelle pour un volume donné. Si l'automobiliste consomme plus, il le paiera à un prix plus élevé. 4° Pour que cette stratégie réussisse, il est nécessaire que l'Etat donne l'exemple en convertissant les parcs administratifs et ceux des sociétés au GPL. Il en sera de même des flottes captives comme les véhicules des chauffeurs de taxi et les véhicules de transport. Le développement des énergies renouvelables S'agissant des énergies renouvelables, j'ai décrit les ambitions du pays, à savoir 22000 MW d'ici 2030. Parmi les questions posées, celles de l'impossibilité d'atteindre cet objectif avec la cinétique actuelle (à peine 400 MW en construction et clés en main). Dans ce cadre, l'exemple du Maroc est édifiant. Ce pays dispose d'une stratégie énergétique depuis une dizaine d'années. Son ambition est d'arriver à 42% de son énergie d'origine renouvelable (14% hydraulique, 14% éolien, 14% solaire). Mieux encore, on apprend que ses ambitions sont revenues à la hausse: «50% d'énergies renouvelables. Et ce au Maroc, où la plus grande centrale à énergie solaire sera bientôt construite. Cette macro-centrale de production d'énergie, composée de quatre centrales d'énergie solaires géantes et d'éoliennes. Cette zone de production sera située entre le Sahara et Ouarzazate, l'ampleur du projet est telle que la structure sera la plus importante construction de solaire à concentration (CSP). Au lieu de panneaux photovoltaïques, le pays devrait ainsi produire la moitié de l'électricité qu'il a besoin d'ici 2020 et même en exporter, notamment en Europe. La structure aura une capacité de production de 580 MW. Une première partie de l'installation, Noor 1, sera installée dès la fin de l'année 2015 et aura une capacité de production de 160 MW. Pour Noor 1500.000 panneaux réfléchissants sont installés dans le désert sur 800 rangées et s'adaptent à l'heure de la journée de manière à suivre les mouvements du soleil. L'idée est, aussi, que le marché soit là aussi compétitif qu'il peut l'être aux Etats-Unis ou en Amérique du Sud sans aucune subvention. Même le Moyen-Orient s'y est mis, sentant le vent tourner à raison du côté du pétrole. La Banque africaine pour le développement a injecté 9 milliards de dollars. (3) Le développement du Barrage vert: un projet structurant L'Algérie ambitionne de réduire ses gaz à effet de serre. Or le bois fournit un combustible économique, renouvelable et au bilan carbone neutre. À la différence des énergies fossiles, l'accroissement forestier permettrait de compenser par la photosynthèse les émissions de CO2 issues de la combustion De plus, les arbres à croissance rapide (des variétés croissent de 1m par an), peuvent permettre à terme une industrie du bois pour le chauffage et l'industrie. L'avancée du désert peut et doit être freinée. Le Barrage vert mis en place il y a 45 ans devrait être réhabilité, les efforts nationaux et l'aide internationale dans le cadre de la COP21 où l'Algérie devrait annoncer son ambition créeront un véritable microclimat sur une bande de 1500 km avec une profondeur de 20 km. La richesse du Sahara, ce n'est pas seulement les énergies fossiles, la disponibilité d'une nappe phréatique de 45.000 milliards de m3, c'est aussi et surtout ce que l'on pourrait faire pour développer l'agriculture. Faisons du Sahara une seconde Californie. La richesse du Sahara c'est aussi l'écotourisme, l'archéologie, les sources géothermiques à vocation multiples. Nous aurons ainsi gagné la bataille du développement. Il est possible de jumeler les ambitions en termes d'énergies renouvelables en construisant des centrales solaires sur toute l'étendue de cette bande. La disponibilité d'eau et d'énergie électrique peut permettre l'avènement aussi d'une agriculture qui permettra au moins l'autosuffisance alimentaire. Le projet de gazoduc Algérie-Nigeria Une autre vision structurante de la transition énergétique vers le développement durable et diminuer les GES, consiste à développer le gazoduc Algérie-Niger- Nigeria. Le projet de gazoduc transafricain écrit Anisse Terrai, entre l'Algérie et le Nigeria est un projet qui pourrait insuffler une dynamique vertueuse dans tout le Sahel. Trans-African gas pipeline (Tsgp). Il permettrait de transporter du gaz naturel nigérian vers l'Algérie, en passant, très probablement, par le Niger. La disponibilité des réserves de gaz naturel au Nigeria ne fait plus débat.(...) La réalisation du Tsgp implique l'extension du réseau algérien de gazoducs existants, déjà important. Les nouvelles canalisations se concentreront, essentiellement, dans l'extrême sud de l'Algérie et permettront de désenclaver de nombreuses localités. Sonatrach pourra ainsi développer des gisements de gaz naturel, auparavant inexploitables, vu leur éloignement du réseau de pipelines, récupérer le gaz associé torché dans certains champs de pétrole. Par ailleurs, le Tsgp générera des recettes supplémentaires avec les droits de passage et/ou les exportations incrémentales de gaz naturel et de GNL. (...) Le soutien de l'Union africaine (UA) est garanti pour sa part, le Tsgp figurant parmi les projets du Nepad. Le gazoduc renforcera l'intégration régionale entre membres de l'UA. Le Tsgp est un projet structurant et créateur de valeur. L'Algérie a beaucoup à gagner. La stabilisation de la région sahélienne, le développement de l'extrême Sud algérien et l'accroissement des revenus gaziers suffisent, à eux seuls, pour en faire une priorité nationale.» (4) Les financements de cette ambition L'Algérie a pris des engagements dans le cadre de la COP 21, ses efforts pourraient être potentiellement plus opérationnels si elle pouvait disposer de financements avantageux. Pour ces deux grandes ambitions dans le cadre du développement durable: le Barrage vert, le gazoduc Nigeria-Algérie Ces deux projets sont structurants et permettraient le développement rapide des énergies renouvelables, le développement de l'agriculture. De plus, ce serait de grands gisements d'emplois et de désenclavement du Sud par la création de villes nouvelles pionnières. Il est important que l'Algérie annonce lors de la COP 21 cette ambition avec l'aide auprès de différentes instances de financement. C'est d'abord le Fonds Climat prévu de 100 milliards de dollars pour la lutte contre les changements climatiques, ensuite auprès de l'Union africaine car le soutien de l'Union africaine (UA) est garanti; le Tsgp figurant parmi les projets du Nepad. De plus, le gazoduc renforcera sans nul doute l'intégration régionale entre membres de l'UA. Il reste même à solliciter la Banque maghrébine dont l'ouverture est prévue à Tunis fin 2015. Il est connu en effet que l'intégration économique maghrébine assurerait 2 à 3 points de croissance supplémentaires par an pour chaque pays. Selon une étude du Fonds monétaire international (FMI). Enfin, la mise en place de la nouvelle banque asiatique sous l'égide de la Chine, pourrait dans le cadre d'un partenariat avec ce pays, nous permettre d'accéder aux crédits de cette banque. Si cette ambition était prise en charge, nul doute que nous assisterons à une nouvelle conquête du Sud avec même l'apport de la jeunesse, notamment dans le cadre du Service national. C'est ce type d'utopie mobilisatrice qu'attend la jeunesse pour déclencher un nouveau 1er Novembre pour ce XXIe siècle. C. E. C. 1.Olivier Petitjean http://www.bastamag.net/les-banques-francaises-investissent-largement-plus-dans-les-energies-sales-que 2.Http://www.fairfinancefrance.org/media/60889/banques-fran%c3%a7aises-quand-le-vert-vire-au-noir.pdf 3. Knies, Gerhard. Global energy and climate security through solar power from deserts. Trans-Mediterranean Renewable Energy Cooperation, 2006 En savoir plus sur http://www.consoglobe.com/maroc-centrale-solaire-cg#OYil5aOKQISrBjWW.99 4.http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5220709