Le rythme africain à l'honneur La Chine, l'Algérie et puis le Mali se sont produits lundi dernier devant un public toujours présent et fidèle à ce rendez-vous. Le Théâtre national algérien Mahieddine Bachtarzi a accueilli lundi soir la cinquième édition du Festival international de la danse contemporaine d'Alger. En première partie, la Chine, composée de plusieurs danseurs hommes et femmes, nous a présenté différents tableaux chorégraphiques symbolisant les relations humaines dans la cité chinoise. La compagnie Bejing Dance Theatre s'est distinguée par une forme de danse bien épurée arborant plusieurs gestes et inclinaisons rythmiques sur le son de plusieurs tempos. Les danseurs portent tous un masque autour de la bouche. Sont suspendus au-dessus de leur tête une sorte de fûts à l'intérieur desquels on aperçoit des morceaux de bois. Le son au départ se veut lancinant, étrange, redondant. Dans la pénombre, les danseurs exécutent des mouvements lents et aériens, tournent parfois autour d'eux -mêmes. A un moment, les danseurs se mettent à faire tourner tout doucement ces objets suspendus. Et puis alors que certains sont à terre, d'autres se mettent à gesticuler un peu comme des robots, histoire sans doute de suggérer le dysfonctionnement planétaire et les autres, l'humanité qui se meurt... Les choses suspendues descendent par terre tandis que seront accrochées ici et là des cordes. Une musique comme venue d'un autre monde achève ce tableau apocalyptique quand les danseurs enlèvent leur masque et enfin arrivent à mieux respirer. L'Algérie pour sa part sera représentée par le jeune danseur Ahmed Khemis et sa compagnie Jawel. Notre danseur va nous entraîner dans un monde intérieur intitulé Voyage de poussières. Un spectacle déjà présenté à l'étranger à maintes reprises et qui a trait au silence avant tout qui se veut dessiner le mouvement du corps comme une épreuve pour éprouver l'esprit et l'amener vers le voyage initiatique. Pour ce faire, plusieurs musiques et rappels titaniques seront convoqués, entendus comme cette étrange voix qui émane d'une radio et évoque le pays, le Koweit. Un appel à regagner une armée?...S'élève une musique mystique. Ahmed tourne autour de lui -même comme s'il voulait atteindre l'orbite même de son équilibre. Une autre musique surgit, mélancolique, qui évoque le père, une musique arabe puis une autre soufie. Le chant parle de prière. Une autre musique arrive, indienne, face à la lumière l'artiste se prosterne, le corps se débat contre un ennemi invisible, tend à exulter, épancher ses douleurs, exhumer ses démons, se met en transe, devient nerveux, épileptique, remue son énergie du dedans celle-ci balaie ses particules d'ondes pour nous faire sentir ses poussières de vibrations. Comme un lourd fardeau sur l'épaule, Ahmed tend à s'en dégager, à s en libérer, un bras se lève au ciel, puis se cambre encore, la musique exprime des démons féroces. L'artiste se dresse, se calme puis s'apaise enfin. Fin de la performance. Ce fut divin et interactif. Voire transcendant. Place à une autre compagnie algérienne. Il s'agit de KBS krew de Aïn Defla qui a déjà été primé en 2012 et 2014. Ils sont trois sur scènes qui exécutent sur des sons encore hypnotiques des danses qui appellent à l'équilibre spirituel sous le nom de «Ma gravité, Ma rotation». Place au rendu du master class avec le danseur malien Aly Carembé qui a formé de jeunes Algériens à la danse contemporaine. Et le réussi est magnifique. Tout en douceur, les danseurs évoluent sur scène sous la musique bienveillante de Omou Sangaré qui a chanté Jarabi qui veut dire amour. Seul cette fois sur scène, le danseur malien évoque le drame dans son pays. Vêtu d'une chemise blanche sur laquelle on peut distinguer un gros point d'interrogation en rouge. l'artiste est accompagné d'une danseuse. En face, sur le mur on peut lire en gras: «La sortie de la crise malienne», à côté, un homme avec une couronne sur la tête. Après l' incantation d'Allah par la Malienne, place à la danse. La musique se veut perpétuellement omniprésente et accompagne les différents tableaux chorégraphiques du danseur Aly Carembé. On notera ces airs de musique bédouine,le morceau Timbuktu, de Fatoumata Diara rendu célèbre grâce au film de Abderahmane Sissako et enfin Alpha Blondi qui chante la folie meurtrière de l'homme et sa corruption, la profanation du sacré et l'exploitation de la religion. L'homme se contorsionne. Assis parfois, il ne bouge pas. Expression de détresse songeuse et désespoir se devinent, mais l'envie éperdue de se battre et briser les chaînes aussi. Le danseur évolue dans une scène vide, saute et parvient par une simple et modeste mise en scène à nous raconter la tragédie du Mali. L'artiste qui affirme «je danse donc j'existe» a bel et bien démontré son besoin de résister sans trop charger le public de symboles mais le laisser interpréter les tableaux à sa guise avec une fièvre bien ressentie et communicative de sa soif de vivre. Enfin, pour clôturer la soirée ce fut au tour du Ballet national algérien de se produire en fin de soirée, avec des filles qui, hélas donneront à voir plutôt de la danse moderne sans trop de style avec quelques carences qui rappellent les spectacles de fin d'année malgré une belle agilité rehaussée de moments de grâce remarqués.