Une année sombre pour la Méditerranée Après plusieurs réunions du Conseil de l'UE, et des débats plus ou moins houleux, il a été convenu de fournir à la Turquie une contribution de trois milliards de dollars. C'est la dernière statistique de l'Organisation internationale pour les migrations, en 2015, 1 005 504 réfugiés sont arrivés en Europe par voie maritime (97%) et terrestre (3%), un chiffre qui donne des sueurs froides aux adversaires de la politique d'asile comme l'a préconisé, contre vents et marées, la chancelière allemande Angela Merkel. Le chiffre record concerne la Grèce, principale porte d'entrée du fait de sa proximité avec la Turquie, terre de passage. Ce sont en effet 816.752 migrants qui sont passés par les côtes grecques en direction de la Bulgarie, du Monténégro et d'autres pays d'Europe centrale. Mais les accès concernent aussi l'Italie (150.000), pour les flots de réfugiés venus de Libye, Malte, Chypre et l'Espagne. L'OIM constate qu'il s'agit là du «flux le plus important depuis la Seconde Guerre mondiale».La moitié des migrants viennent de Syrie, fuyant la guerre, autant que les 20% d'Afghans passés par l'Iran et les 7% d'Irakiens. Cet exode qui aura marqué d'un sceau dramatique l'année 2015 a eu son lot de victimes puisque 3692 migrants sont morts en tentant de traverser la Méditerranée, une dizaine par jour en moyenne. Un chiffre également en augmentation par rapport à l'année précédente. Rien que pour la journée de mardi dernier, onze personnes sont mortes lors d'un naufrage en mer Egée. Face à ce rush sans précédent depuis des décennies, l'Europe peine à mettre en place une véritable politique de l'immigration, les intérêts de chaque pays membre primant sur toute autre condition et surtout pas humanitaire. C'est ainsi que l'Allemagne, emmenée par la chancelière Merkel, a voulu prôner une certaine solidarité avec les victimes mais très vite elle a dû composer avec la montée des partisans de l'extrême droite qui ont exploité le problème au point de menacer les formations politiques traditionnelles, non seulement en France mais également dans plusieurs autres pays européens.Certains ont même récusé purement et simplement la démarche, fermant les frontières ou menaçant de mesures coercitives les réfugiés qui tenteraient d'entrer par tous les moyens «illégaux». C'est surtout le cas de la Bulgarie dont le gouvernement a opté pour une riposte musclée, suivie par d'autres Etats d'Europe centrale. Après plusieurs réunions du Conseil de l'UE, et des débats plus ou moins houleux, il a été convenu de fournir à la Turquie une contribution de trois milliards de dollars pour que son gouvernement accepte de contrôler les flux de réfugiés dont le plus grand nombre provient, pour des raisons évidentes, de Syrie et de Turquie. Une réponse qui ne convenait pas à tout le monde, là aussi, mais aux yeux de beaucoup un moindre mal. La soi-disant crise des migrants dénoncée par plusieurs pays européens si prompts, en d'autres circonstances, à faire la morale aux autres est principalement due au comportement égoïste de certains Etats qui ont refusé le partage équilibré de sorte que le territoire européen fort de 500 millions d'habitants n'aurait eu aucun mal à absorber une proportion moindre pour chaque pays membre. Ce faisant, ils ont foulé aux pieds un principe fondamental des droits de l'homme, celui du droit d'asile pour 80% des migrants qui proviennent de pays en guerre. Les dirigeants des 28 pays membres de l'UE ont participé à plusieurs sommets pour des palabres sans résultat, chacun d'eux naviguant au gré de ses seuls intérêts. Parmi les mauvais élèves, la France qui a donné un tour de vis supplémentaire à sa politique d'asile (69.000 demandeurs en 2015 contre plus de 600.000 pour l'Allemagne). Rien d'étonnant quand on regarde le constat établi par la Banque mondiale pour 2014: 86% des 14 millions de réfugiés dénombrés ont été accueillis par les pays pauvres ou émergents, les pays riches n'en acceptant que 1,6 million. Devenu un problème mondial, le nombre de réfugiés a progressé de 45% en quatre ans et la tendance sera à la hausse au cours des années prochaines. Quant aux organismes tels que l'OIM ou le HCR, ils estiment que la région méditerranéenne sera encore la plus concernée...