Une vue de la cour d'Alger La deuxième journée a été consacrée au respect des procédures... La deuxième journée du procès «Sonatrach I» a repris hier à 9h35 avec la poursuite de la lecture de l'arrêt de renvoi entamé la veille durant trois heures par l'inusable Saâd Delhoum, le greffier de l'audience qui a été sagement autorisé par Regad le président du tribunal criminel d'Alger à s'asseoir pour une meilleure lecture. Me Habib Benhadj, Me Benameur Aid, Me Fatima Ladoul, Me Saddek Chaïb, Me Zouakou, Me Miloud Brahimi ont été les premiers avocats à s'installer dans une salle d'audience quasi vide surtout après le départ provisoire des témoins. Me Arezki Ramdani le membre du Conseil de l'ordre en papillon grenat effectue un saut, salue le bâtonnier de Bel Abbès, Mohamed Otmani, Khaled Dhina, Mohamed Bachi et retourne chez Boualem Beri, le président de la 4e chambre qui ouvre les débats dans une salle comble. Nadia Bouhamidi, Mohamed Regad et Hakim Mansouri suivent la lecture de l'arrêt de renvoi tout comme les deux jurés et les deux autres «suppléants» assis sous le pupitre du parquet où trône Halim Boudraâ le procureur général qui répond en souriant au salut de Me Mouinès Lakhdari le membre du Conseil de l'ordre d'Alger. Une canne à la main, Me Charfouh vient d'entrer, suivi du turbulent Me Khaled Bergueul... Le greffier dépose avec précaution les feuilles lues surtout qu'à 10h02, la «sono» fait des siennes. L'huissier de l'audience est vigilant et il intervient rapidement, ce qui permet à Delhoum de reprendre la lecture des nombres à six et sept chiffres des sommes gracieusement remises aux mis en cause dont Réda Meziane aurait acquis un apport à Paris. El Smail Réda Djaffar aussi est cité comme un efficace intermédiaire selon l'arrêt de renvoi qui est plein de contrats passés moyennant des pots-de-vin époustouflants. L'épouse de Mohamed Meziane, ex- P-DG de Sonatrach, aussi est citée. Makaoui et beaucoup d'autres sont mis en cause dans les 106 marchés passés par Sonatrach, tout comme les «cracheurs» des pots-de-vin étrangers dont six sont poursuivis ce jour. Me Mokrane Aït Larbi vient d'entrer à 10h 08mn et s'installe avec ses confrères juste face au jeune procureur général non rassasié par la lecture de l'arrêt de renvoi. Normal, l'opportunité des poursuites oblige. L'entreprise d'El Réda Djaâfar est énormément citée dans l'arrêt de renvoi. Il semble être l'axe autour duquel tout a tourné. La dilapidation est aussi mise sur le compte de Meziane Mohamed. La corruption sur les enfants de Meziane. Le blanchiment aussi suit. Il est utile aussi, que l'arrêt de renvoi mette des éléments défavorables sur les accusés qui n'ont eu de cesse de nier, nier, nier. En vain. L'évidence que la justice en marche était là. A la barre, à quoi allons-nous assister? Qui dira quoi? Qui avouera et qui niera? A 11h40, la pesanteur lourde de la lecture de l'arrêt de renvoi revient avec le retour de l'assistance qui a eu droit à un repos d'une demi-heure. Cette énième interruption des débats durant les 24 heures d'audience ont donné le signe que ce procès allait durer dans le temps, même si Mohamed Regad, le président a diagnostiqué une quinzaine de jours! Oui nous restons sceptiques quant au contenu de l'arrêt de renvoi où seule l'accusation a droit de cité. Il semble difficile pour les sept principaux accusés détenus de (ô comble d'ineptie!) de prouver leur innocence. Ce qui est certain, c'est que les détenus ont depuis six longues années, ruminé leurs défenses cherchant probablement une issue pour s'en sortir. L'enquête a été minutieuse et l'incarcération impitoyable sur le plan moral. Un moral dévasté par les concordances, les «preuves», les témoignages à charge et à décharge pour les sept détenus dont les conseils restent muets se refusant à tout commentaire. La loi est claire. Me Nouredine Benissad papote avec Me Hanifa Oussedik venue à l'audience du foncier alors que Boualem Bekri domine la quatrième chambre dans les échos de la sono de la salle d'à côté d'où jaillit la voix rauque de Saâd Delhoum. Maître Marouane Medjouda subit l'immanquable question: «Comment va le papa Si Ahmed?» Il faut rappeler que le père du jeune avocat a été magistrat, chef de la cour d'Alger et secrétaire général du gouvernement. C'est dire s'il a connu des gens. Entre-temps, le greffier cite un à un les accusés Meziane et ses deux enfants et les énormes faveurs reçues à la suite de la passation de marchés tous azimuts. Les milliards pleuvent en dinars et en euros. Les biens immobilliers dans le pays et à l'étranger sont aussi annoncés. Nous verrons plus tard, dans les jours qui viennent qui dit vrai et qui nie. Les Smaïl, Meziane, Boumedienne... Dans cette optique, certains avocats que la justice va faire parler, loin de toute pression, contrainte et jaillissement d'une quelconque force extérieure au tribunal criminel. Les sociétés Saïpem, Geri, Vonkunt, Blitek, Holding Cawtel sont nommément citées dans les opérations de corruption. Birkhadem - Ben Aknoun - Dely Ibrahim, El Biar, Khraïcia et autres lieux chics de la capitale outre Paris sont cités comme lieux d'acquisition de biens illicites. Ce qui constitue aux yeux de la loi «l'association de malfaiteurs», fait prévu et puni par l'article 176 du Code pénal. Depuis le box, les sept accusés détenus suivent dans un silence religieux la voix de Delhoum toujours assis et lisant avec un débit saccadé le reste de l'arrêt de renvoi qui contient aussi les «instructions» du ministre de l'Energie de l'époque i-e Chakib Khelil pour les non-initiés des affaires de justice. Me Chnaïf est assise devant Me Mostefa Bouchachi réservé comme jamais il n'aura été, plutôt les yeux rivés sur les dernières pages de l'arrêt de renvoi plein de déclarations, contre-déclarations, inculpations et accusations enfonçantes... Il est midi un quart lorsque les deux Nabil, Me Benouarret et Me Ouali prennent place aux côtés de Me Fatima Ladoul plutôt radieuse avec ce non moins chaleureux Me Bachi que salue le membre du Conseil de l'ordre Me Kamel Alleg derrière lequel est royalement installée l'autre Ouali, Me Nacéra Tinedeghar. Et voilà une sortie de Me Habib Benhadj qui nous souffle qu'il s'aperçoit en parcourant l'arrêt de renvoi que les Zenasni, Mahia Messoud, les Meziane, Mekaoui et autres Boumedienne n'ont pas violé la loi mais plutôt les «instructions». Bien dit Me au moment où l'assistance reste «collée» à la voix de Delhoum à cheval au-dessus du texte qui arrive à la fin. Me Houcine Chiat, plutôt pessimiste dans tout ce que le pays entreprend en matière de réforme de la justice, fait les 100 pas entre la salle d'audience et celle des pas perdus. Les charges qui pèsent sur les trois «Meziane» sont lourdes, lourdes et leurs avocats sont avertis.