Les rues de New Delhi (Inde) étaient interdites ce week-end à plus d'un million de véhicules privés, au premier jour de l'expérimentation osée de la circulation alternée dans la capitale la plus polluée au monde. Cette mesure radicale, qui avait été annoncée début décembre, pourrait cependant tarder à porter ses fruits dans l'hypothèse où elle est respectée. D'autant que l'automobile n'est pas la seule responsable du smog qui étouffe New Delhi. L'indice de la qualité de l'air dans la capitale indienne, publié par l'ambassade des Etats-Unis, affichait encore vendredi dernier la valeur inquiétante de «429», soit un niveau qualifié de «dangereux» qui implique que les enfants et les personnes à risque doivent rester chez eux. Des centaines de policiers et volontaires étaient déployés pour contrôler la mise en oeuvre de cette expérimentation, dans une ville où le Code de la route, en temps normal, est allègrement contourné. Jusqu'au 15 janvier, les véhicules privés dotés de plaques d'immatriculation impaires rouleront les jours impairs et les autres, les jours pairs. Les restrictions courent de 08h00 à 20h00, mais pas le dimanche. De plus, elles ne concernent pas les VIP, les femmes seules et les deux-roues qui contribuent pourtant beaucoup au brouillard ambiant. Sur l'une des principales avenues de la capitale, la plupart des véhicules étaient effectivement dotés de plaques impaires. De nombreux cyclistes circulaient avec leurs gilets fluorescents et leurs masques de protection. «La circulation est clairement moins intense aujourd'hui», confirme Mohammad Shahid, un volontaire de 58 ans posté à l'un des carrefours les plus denses de Delhi. Quelques resquilleurs toutefois se sont vu imposer à cette intersection l'amende de 2 000 roupies (28 euros), coquette somme pour bon nombre d'habitants. «Delhi l'a fait!», s'est pour sa part félicité dans un tweet le chef de l'exécutif de la ville, Arvind Kejriwal, qui a assuré avoir eu recours au covoiturage pour se rendre à son bureau. L'initiative avait été prise pour répondre à l'inquiétude grandissante face à des niveaux de pollution 10 fois plus élevés que les normes fixées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Une étude menée en 2014 par l'agence onusienne sur 1600 villes du monde a montré que Delhi affiche la plus haute concentration annuelle de particules fines à pm 2,5, c'est-à-dire d'un diamètre de 2,5 microns. Ces particules, qui s'installent profondément dans les poumons et peuvent passer dans le système sanguin, sont responsables de taux plus élevés que la moyenne de bronchites chroniques, cancers du poumon et maladies cardiaques. Les sceptiques pensent que les Indiens seront nombreux à recourir au «jugaad», technique qui consiste à trouver une solution alternative pour pas trop cher, à savoir en se procurant de fausses plaques ou en achetant une deuxième voiture bon marché. «La circulation alternée ne marchera jamais», prédit dans un bus Kirti Lal. «Vous verrez que lundi les gens reprendront leurs vieilles habitudes car ils sont juste trop habitués à leur voiture.» Pendant ces 15 jours d'expérimentation, les écoles demeureront fermées, afin de permettre aux bus scolaires de grossir la flotte des transports en commun.