C'est l'œil du phare qui a été le point repère lumineux des voyageurs dans le grand large des mers et des océans et souvent aussi au coeur de tous les genres de littérature humaine savante ou imaginaire. Casbah éditions vient de nous offrir un magnifique cadeau de rêve et de revivification de l'esprit, ce que l'on appelle un beau livre au format 24,5 x 33 cm avec un texte enchanteur et instructif et des images sublimes porteuses de messages. Ce livre de bonheur et d'évasion culturelle a pour titre Les Phares d'Algérie. Vigies de la côte (*). La couverture cartonnée et la jaquette pertinente sont glacées et miroitantes en partage d'un bleu océane et d'un bleu azur; le plan est, vaste et tranquille. On ouvre cet ouvrage avec doigté. Et, au rythme de la lecture et de la délicatesse des mouvements de la main agile, naissent, page après page, légères et bondissantes de superbes vagues éblouissantes, chargées d'information et d'images impressionnantes. Pour créer cette oeuvre utile et resplendissante, se sont associés deux fins artistes du beau style d'écriture Mohammed Balhi et de la maîtrise de l'image intelligente, car parlante, Zinedine Zebar. Le sujet absolu «Les phares d'Algérie» se fonde sur une poétique des éléments matériels et techniques pour libérer la lumière d'un phare, le compagnon solitaire de tous les solitaires, le phare en mer, le phare en nous aussi. Le phare et ses prodiges De ces deux professionnels spécialisés, épris de culture vivante et de beauté naturelle, l'un Mohammed Balhi est né en 1951 à Biskra. Sociologue de formation, il a été journaliste, grand reporter, auteur d'essais et de beaux livres. On apprend, à n'en pas douter, qu'«Il est homme du désert et de la mer». Au dernier SILA, il a présenté son ouvrage «Zaatcha 1849, l'insurrection des Ziban». L'autre, Zinedine Zebar est né en 1957 à Sétif. De même, on apprend qu'«après des études à l'école de photographie de Paris et à l'université Paris VIII, il débute comme reporter photographe en France et dans de nombreux pays arabes. Depuis 2008, tout en collaborant à plusieurs organes de presse français, arabes et d'autres pays, il se consacre à un travail photographique sur le patrimoine algérien.» Si le premier prodige du phare est d'éclairer la route à ceux qui empruntent la mer, on doit encore le reconnaître avec Didier Vertunini qui rappelle dans son poème «Le Phare», écrit en 1998: «Combien d'Ulysse loin d'Ithaque / Lui doivent leur retour à terre». L'idée de «guide», d'«éclaireur» ou d'«éveilleur de conscience» est aussi inspirée de la notion de «phare» qui devient figure de rhétorique, en somme, «l'art» né avec l'homme. Dans son lumineux poème «Les Phares», Baudelaire célèbre les génies de l'art: Rubens, Léonard de Vinci, Rembrandt, Michel-Ange, Puget, Watteau, Goya, Delacroix,... Et bien sûr, au fond des pages de ce livre et au creux de leur jonction, montent en nous, lecteurs solitaires, particulièrement la nuit, sous la lampe fragile de nos yeux émerveillés l'image et le bruit du ressac, et certainement ce que ressent en mer le solitaire dans la nuit et l'on entend toutes les forces de la nature passionnée, séduisante et prometteuse d'un idéal d'amour prochain. Aussi, faut-il croire sans réserve que le mot phare est à la fois une conjonction de miracles: l'intelligence de l'homme technicien et la générosité complète de la nature. Les spécialistes nous disent: «Le mot phare vient du mot latin pharus, lui-même dérivé du grec Pharos (öÜñïò), qui est le nom de l'île où se trouvait le phare d'Alexandrie1, le mot phare est donc un onomastisme nominal. Cette origine est conservée dans beaucoup de langues.» Toutefois, en langue arabe, chez les grands marins de l'histoire, tels aussi les célèbres Raïs d'Alger et ceux de la guerre de Course, on dit «manâra, pl. manâwir et manâir», Il existe de nombreux phares célèbres par leur ancienneté, leur histoire ou leur particularité. Citons le Phare d'Alexandrie, la Tour d'Hercule, le plus vieux phare du monde, le phare de l'Île Vierge dans le Finistère (France), le plus haut phare d'Europe et le plus haut phare du monde en pierre de taille. Le plus haut phare naturel du monde se trouve en Algérie (Bejaïa). Le phare de Bell Rock est le plus vieux phare de mer du monde toujours en activité aujourd'hui, après celui de Cordouan. Il se trouve en mer du Nord au large de l'Ecosse. Sa construction, par Robert Stevenson (le grand-père du célèbre écrivain), au début du xixe siècle, fut épique, etc. Les phares et leur fréquente situation isolée ont inspiré de nombreux auteurs. Ils sont présents dans la culture picturale et dans l'imaginaire littéraire et cinématographique. Le livre de nos phares  l'évidence, la réalisation de l'ouvrage Les Phares d'Algérie a nécessité un effort constant de recherche et de mise au point de la part des deux auteurs Mohammed Balhi pour le texte et Zinedine Zebar pour les photographies. De même, les institutions nationales sollicitées ont été diligentes et efficaces, ce sont la Direction de la communication de l'Etat-major au ministère de la Défense nationale et le Département communication du CEN. Les références bibliographiques tirent l'oeil par leur importance. D'emblée, les «Repères historiques» informent largement sur la nature de l'objet traité sur tous les plans géographiques, géologiques, archéologiques, structurels, techniques, architecturaux, esthétiques, humains, etc. Ainsi, lit-on: «La côte algérienne, longue de 1622 kilomètres, se caractérise par des falaises taillées à pic, des pentes raides, des roches escarpées, des coupées dans le terrain et des saillies, des massifs couronnés de peu de végétation, des roches sous l'eau à peu de distance du large, des coulées de lave au pied de massifs tranchants, des plages bordées de dunes, des échancrures et criques qui servent de lieu de repli et de refuge aux embarcations.» Ce qui est aussitôt illustré par un époustouflant panorama sur une double page: «Cap Caxine, Hammamet, Alger.» Des «Repères historiques» et de nombreuses anecdotes voguent sur des pages illuminées par une écriture dense et précise et par des illustrations remarquables du site des phares et par la succession des navigateurs des pays proches et lointains qui les ont accueillis. On remonte dans l'Histoire et l'on savoure l'existence de tant d'époques et de tant de civilisations. Et l'on s'instruit de tant d'étranges fouilles et de tant de découvertes anciennes ou récentes! Chaque phare a son histoire, à nulle autre pareille. On pourrait égrainer leur nom et indiquer leur fonction de sentinelle et de «secours silencieux», ne cédons pas à cette envie anti-pédagogique, mais rapportons cette découverte très anecdotique, et qui n'est pas la seule dans l'ouvrage: «En 1959, suite à des fouilles archéologiques, entreprises dans l'îlot Joinville, Gaspary, un ingénieur des Ponts et Chaussées, avait mis au jour, ´´au pied du phare moderne sous les restes d'un fort turc, la base d'un phare antique adossé à lui-même à l'abside d'un temple qui s'ouvrait face à la mer. Le phare de plan octogonal, qui mesure près de 18 mètres de diamètre, peut dater de l'époque du roi Juba, et appelle la comparaison avec le deuxième étage de celui d'Alexandrie.´´La hauteur du phare est évaluée à 32 mètres.» Dans l'ouvrage, on saura par qui et comment nos phares ont été construits, avec quels moyens et dans quel but. Les phares, sur les rivages de la côte algérienne, étaient connus pour leur efficacité et pour leur site sur «le tracé des voies maritimes qui menaient passagers, commerçants et princes d'Andalousie vers La Mecque et les autres contrées de l'Orient.» Chaque «Phare» a son histoire et sa spécificité. Lisons donc plutôt Les Phares d'Algérie. Vigies de la côte et admirons le contenu de ce Livre Algérien qui nous met devant notre bien. Nous avons sous les yeux en quelque sorte Khayt er-Roûh, le fil de l'âme de notre pays, collier porté dignement le long de la côte d'est en ouest: El Kala, Cap Rosa, Ras el Hamra, Cap Takouch, Cap Ras el Hadid, Cap Srigina, Phare Stora, Phare de la presqu'île Djerda, Cap Bougaroun, Cap Ras el Afia, Cap Carbon, Cap Sigli, Cap Azzefoun, Phare de la pointe de Sidi Abdelkader, Cap Bengut, Cap Matifou (de Tamentfoust, [côté droit], Phare de l'Amirauté, Cap Caxine, Phare Ras el Kalia,... L'initiative de Mohammed Balhi et Zinedine Zeba, concrétisée par Casbah Editions prouvent que le chantier culturel algérien est immense et que si l'on a la volonté de mettre en oeuvre la raison et le coeur et que l'on retrousse les manches, il y a place pour chaque Algérien de montrer, sans fausse querelle et sans joindre à cela le fiel de l'envie. Merci, les artistes algériens! (*) Les Phares d'Algérie par Mohammed Balhi (texte) et Zinedine Zebar (photographies), (Format 24,5x33 cm), Casbah Editions, Alger, 2015, pages.