«Le vrai combat concernant tamazight ne fait que commencer» La problématique qui a été posée par l'Association des enseignants de tamazight est: maintenant que tamazight est constitutionnalisé langue officielle, quel sera l'avenir de cette langue en Algérie? La rencontre autour de l'officialisation de tamazight a regroupé, jeudi dernier à Tizi Ouzou, de nombreux spécialistes de la question amazighe ainsi que des militants connus, à l'instar de: Allawa Rabhi, Mohand Akli Salhi, Hend Sadi, Arab Aknine, Saïd Chemakh, Abdennour Abdesselam... Dommage que la rencontre ait été écourtée car on aurait aimé entendre les points de vue de Hend Said (auteur du livre en tamazight, «Tusnakt s wurar»), de Abdennour Abdesselam ou de Arab Aknine, l'un des animateurs principaux de l'année de la grève du cartable du MCB (Mouvement culturel berbère) en 1994-1995. Mais malgré cette faille, il y a lieu de souligner que les interventions des cinq conférenciers présents à la tribune étaient fructueuses et enrichissantes. La problématique qui a été posée pour cette occasion par l'Association des enseignants de tamazight, initiatrice de l'événement est: maintenant que tamazight est constitutionnalisé langue officielle, quel sera l'avenir de cette langue en Algérie?Il y a d'abord lieu de relever que l'unanimité a été presque acquise concernant le fait que tamazight étant langue officielle, il s'agit d'un véritable pas de géant franchi. Secundo, il y a lieu de relever qu'une partie des intervenants n'ont pas manqué d'exprimer certaines réticences, qui peuvent s'avérer légitimes, notamment en citant l'expérience marocaine où, selon l'universitaire Saïd Chemakh, tamazight est langue officielle depuis cinq ans, sans que rien de concret ne soit palpable sur le terrain. C'est pourquoi, aux yeux de Saïd Chemakh, le vrai combat concernant tamazight ne fait que commencer. Le plus optimiste d'entre tous les intervenants de cette rencontre est incontestablement l'écrivain et universitaire Mohand Akli Salhi. Ce dernier, qui est titulaire d'un doctorat d'Etat en langue et culture amazighes à l'instar de Saïd Chemakh, a déploré le fait «qu'à chaque fois que tamazight enregistre une avancée considérable, nous nous retrouvons en train de diminuer ses acquis au lieu de les valoriser». Pour Mohand Akli Salhi, le devoir de tout un chacun doit être plutôt de se poser la question sur ce que nous devons faire nous-mêmes pour notre langue au lieu de trop compter sur l'Etat. Le même orateur a indiqué que maintenant que le statut de langue officielle est acquis pour tamazight, l'Etat va logiquement mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour le développement de la langue. «C'est à nous de nous investir dans le travail et à l'Etat d'y mettre les moyens financiers», a indiqué Salhi. «Je suis enseignant de tamazight à l'université de Tizi Ouzou, qu'est-ce que je peux faire? Chacun, dans son domaine doit se poser la même question», a souligné Mohand Akli Salhi qui a précisé que des siècles de retard ne peuvent pas être rattrapés en si peu de temps. Le conférencier a rappelé que dans tout ce qui a été arraché par la revendication amazighe ces dernières années et de ce qui a été fait, il y a énormément d'aspects positifs. De son côté, Allawa Rabhi, docteur d'Etat en langue et culture amazighes et enseignant au département de langue et culture amazighes de Béjaïa, a entre autres, mis l'accent sur les trois différentes étapes ayant marqué la réhabilitation de la langue amazighe en Algérie depuis l'indépendance. Pour lui, la première étape est le passage du «statut» de dialecte à celui de langue amazighe durant les années 1980, après le printemps berbère. La deuxième étape a été la reconnaissance de tamazight comme langue nationale en 2002. Puis la troisième et dernière étape est son officialisation récente. Quant à l'universitaire Ramdane Achour, enseignant à Tizi Ouzou, il a estimé que pour faire une lecture de l'officialisation récente de tamazight, il faut aborder la question sous trois aspects. C'est ainsi que du point de vue symbolique, on ne peut pas nier que cette officialisation est un pas de géant, a estimé celui-ci. «Personnellement, je ne m'attendais pas du tout à ce que tamazight soit officialisée dans la dernière Constitution», a déclaré Ramdane Achour. Ce dernier a abordé d'autres questions, comme la création et le rôle de la future Académie de langue amazighe et la question des variantes berbères. Enfin, Mhenna Boudinar, président de l'Association des enseignants de tamazight de la wilaya de Tizi Ouzou a conclu la rencontre en rappelant que les enseignants de langue amazighe se sont réunis en colloque en 2006 et la question des caractères de transcription a été définitivement tranchée en faveur du latin. Mhenna Boudinar a terminé en soulignant que «maintenant que tamazight est officielle dans la Constitution, il faut que cette officialisation se traduise dans le coeur de chacun de nous».