La situation est explosive en Libye C'est la rencontre de deux partenaires, c'est la retrouvaille traditionnelle entre deux alliés et enfin c'est le rendez-vous crucial de deux plus grands producteurs de gaz dans le monde. Dans tout le ballet diplomatique que connaît Alger depuis ces dix derniers jours, la visite du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, demain à Alger demeure la plus importante au plan géopolitique régional. C'est la rencontre de deux pays qui partagent un dénominateur commun en politique étrangère, à savoir la non-ingérence et la non-intervention militaire dans des pays souverains. C'est la retrouvaille entre deux alliés traditionnels et deux partenaires commerciaux et enfin c'est le rendez-vous crucial de deux plus grands producteurs de gaz dans le monde, mais qui font face à une grave crise pétrolière aux incidences financières fâcheuses sur les économies des deux pays. C'est dire que l'agenda de cette visite est chargé et les dossiers sont lourds, même si le communiqué du ministère des Affaires étrangères annonçant l'arrivée du chef de la diplomatie russe ne restitue pas le contexte régional très particulier dans lequel intervient cette visite. Diplomatie oblige, le document se devait d'être bref et concis et note qu'«il sera procédé à une évaluation de la coopération bilatérale dans les domaines économique, technique, scientifique et culturel, à la lumière de la tenue, à Moscou en juillet 2015, de la 7ème session de la Commission mixte algéro-russe» et pour conclure, le même communiqué souligne que «les questions de l'actualité régionale et internationale, notamment la situation en Libye et en Syrie, ainsi que la lutte contre le terrorisme et l'évolution du marché pétrolier international seront également au menu des discussions algéro-russes». En réalité, trois dossiers principaux marqueront cette visite. En premier, le bourbier où s'effectue un forcing de certains pays membres de l'Otan pour une intervention militaire. Face à ces bruits de bottes qui se veulent une lutte contre l'organisation criminelle Daesh, Alger et Moscou partagent la même vision et qui se décline comme suit: la riposte globale à la menace terroriste doit impérativement s'inscrire dans le cadre de la stratégie des Nations unies à travers une «approche commune et partagée», se fondant sur la légalité internationale. Pour la Russie, le seul allié en Afrique du Nord qui partage et qui assume cette position est bien l'Algérie et c'est elle qui a le plus d'influence militaire au niveau de la région. Totalement disloquée, la Libye se réduit à une mosaïque d'une extrême complexité où chaque pays soutient, encourage et même finance une faction pour imposer son influence. Entre le général Haftar, assisté par les Saoudiens, les Egyptiens et Emiratis, et Fajr Libya qui regroupe les Frères musulmans, soutenus par la Turquie et le Qatar et enfin, les milices que dirige Abdelkrim Belhadj à Misrata, il est difficile de prévoir l'issue d'une intervention militaire qui se fera sur les décombres des bombardements de l'Otan en 2011. Cette mosaïque se superpose à une prolifération de la criminalité et du banditisme armé qui s'adonnent en toute impunité au trafic de drogue et d'armes. Partageant plus de 900 km avec la Libye, l'Algérie redoute un afflux massif de réfugiés et surtout des incursions terroristes, même le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra a affirmé il y a trois jours, que «l'Algérie a pris toutes les dispositions nécessaires pour sécuriser ses frontières». Le deuxième dossier chaud qui sera abordé sera inévitablement la Syrie. M.Lavrov arrivera à Alger au lendemain de la mise en oeuvre de l'accord de cessation des hostilités appliqué à partir de 00h00 locale, il y a deux jours. Cet accord a reçu le soutien du Conseil de sécurité de l'ONU qui a adopté vendredi dernier, à l'unanimité une résolution «l'approuvant pleinement». Offensive sur le front militaire et présente sur le front diplomatique, la Russie a brisé, par son intransigeance, l'unilatéralisme américain et freiné l'instinct belliciste de l'Arabie saoudite et de la Turquie. Sur la même longueur d'onde, l'Algérie partage la même position avec la Russie. Le dossier énergétique aura droit au chapitre, surtout que les deux pays entretiennent de très bons rapports avec l'Iran, un autre gros producteur de gaz et de pétrole. Mais pas seulement. L'Algérie qui entame sa transition énergétique, abordera la question des centrales nucléaires. Enfin, la visite de M.Lavrov en Algérie coïncide avec la commémoration du 40eme anniversaire de la proclamation de la Rasd et surtout à la veille de la tournée qu'effectuera dans la région le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. M.Lavrov et les autorités algériennes aborderont cette question de décolonisation et apuyeront le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination.