Le séjour de Ban Ki-moon à Alger permettra aux dirigeants algériens de recadrer les tenants et les aboutissants du problème Il aura pris la mesure de la dimension des blocages auxquels l'ONU fait face depuis plus de quarante ans, le Maroc s'ingéniant à empêcher le référendum sur l'autodétermination. Ban Ki-moon, est arrivé hier à Bir Lahlou, une localité située en territoire sous contrôle du Polisario, pour une visite qualifiée d'«historique» au Sahara occidental, puisque c'est la première fois qu'un secrétaire général de l'ONU y effectue une visite. L'objectif annoncé de cette tournée qui permettra de présenter un rapport détaillé au Conseil de sécurité de l'ONU, le mois prochain, reste la relance du processus de règlement du conflit et du recouvrement par le peuple sahraoui de son autodétermination. Ban Ki-moon a dû compter, au cours de cette visite, avec les manoeuvres et les obstacles que le Maroc s'évertue à dresser depuis quatre décennies afin d'entraver le processus, foulant au pied la légitimité internationale et les recommandations pourtant ayant force de loi des principales assemblées comme celles de l'ONU et de l'Union africaine. Une attitude qui ne saurait perdurer, bien sûr, si elle ne bénéficiait pas du soutien manifeste de deux membres du Conseil de sécurité de l'ONU, en l'occurrence les Etats-Unis et tout particulièrement la France, dont le vote, ou plutôt le veto, participe méthodiquement au maintien du statu quo et à la perpétuation du dernier fait colonial sur le continent africain. La réalité a ainsi rattrapé le secrétaire général de l'ONU qui n'a pas pu se rendre à Laâyoune, capitale du Sahara occidental, pas plus d'ailleurs qu'il n'a été «autorisé» à passer par Rabat pour des consultations avec la principale source du problème, Mohammed VI ayant courageusement programmé un voyage à l'étranger, au moment où Ban Ki-moon devait débarquer au Maghreb. Il aura au moins pris la mesure de la nature et de la dimension des blocages auxquels l'ONU fait face depuis plus de quarante ans, le Maroc s'ingéniant à paralyser la moindre tentative de solution et à empêcher coûte que coûte le processus d'autodétermination du Sahara occidental de parvenir à son terme. En témoigne la réaction, hier, de la chef de la diplomatie de l'Union européenne, Federica Mogherini, qui a rassuré Rabat sur le maintien des relations économiques, malgré la décision de justice, axée sur la jurisprudence onusienne, dont l'UE aurait fait appel. Le lobbyisme marocain ayant les tentacules que l'on sait, rien de surprenant à ce que le voyage de Ban Ki-moon soit essentiellement une occasion, une de plus, de verser à charge du Maroc un nouveau rapport accablant sur le pillage des richesses du peuple sahraoui et les exactions qu'il subit, sans que s'en émeuvent la Cour pénale internationale ou d'autres institutions. Mais c'est au nom du droit international, soutenu par des dizaines et des dizaines de pays en Afrique et dans le monde, que l'ONU est plus qu'interpellé et son secrétaire général ne peut occulter cette revendication impérative, obturée par la seule volonté des puissances protectrices du colonialisme marocain. Le séjour de Ban Ki-moon à Alger permettra aux dirigeants algériens de recadrer les tenants et les aboutissants du problème, encore une fois est-on tenté de dire, dans un cadre onusien où l'immense majorité des membres ne pèse que peu ou prou face au pouvoir exorbitant d'un seul membre permanent du Conseil de sécurité, quitte à valider et à perpétuer une injustice flagrante et, plus grave, une atteinte manifeste aux fondements de la légalité internationale Par-delà la satisfaction toute platonique du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, la Rasd va-t-elle encore devoir se satisfaire du caractère même hautement symbolique de cette visite qui intervient au moment où l'Union européenne annonce un édifiant mouvement de volte-face sur la question de l'annulation partielle d'un accord agricole avec le Royaume marocain?